En roue libre
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Seul sur scène, sous la direction d’Hélène Soulié, Manuel Vallade habite de tout son être le texte de David Léon : Sauver la peau. Un moment organique et polyphonique qui nous emporte.
Toutes sortes de cris et d’échos composent l’écriture de David Léon (auteur et comédien, né en 1976, dont le texte Un Batman dans ta tête* a été mis en scène, en 2014, par Hélène Soulié). Toutes sortes de clameurs – précises, tranchantes – qui viennent dire les maux de l’être et les failles du monde. Dans Sauver la peau** (pièce que l’auteur qualifie de polyphonie), un narrateur-auteur nous ouvre ses champs de conscience et de contestation. Démissionnaire d’un poste d’éducateur au sein d’un « établissement spécialisé dans le soin et l’accompagnement éducatif d’enfants et d’adolescents psychiquement fragilisés », il entrecroise des fragments d’expériences vécues dans cette institution avec d’autres, issus de son existence personnelle et de son passé familial. Ecrivain, homosexuel, « travesti dans l’âme » comme il le revendique, questionneur et scrutateur acharné de la société dans laquelle il vit, grand frère d’un jeune Matthieu qui a mis fin à ses jours en se jetant sous un train, adversaire de ses parents, pourfendeur du « carcan familial, commun, hétérosexuel » : ce David est tout ça. C’est aussi un être au-delà des larmes qui prend la parole et le stylo, qui tente par l’écriture d’éclairer la « mise en chaos originelle, inaugurale », à laquelle il ne peut que revenir.
Une relation quasi organique au texte
Sur la scène de Théâtre Ouvert, c’est Manuel Vallade qui incarne cette voix, ce flot de mots heurtés, ce personnage. Et il le fait magnifiquement. A travers une large palette d’accents et de nuances. On a rarement vu le comédien aussi profondément habité par un rôle. A l’intérieur de la mise en scène tout en clairs-obscurs, découpes et réverbérations que signe Hélène Soulié, une relation quasi organique semble se nouer entre le texte et l’interprète. Malgré cela, l’entrée dans cette matière théâtrale et littéraire reste abrupte. Radicale. Tout d’abord dérouté, on finit par se laisser transporter par le rythme haché, morcelé de Sauver la peau. Par ses embardées. Ses enchâssements. Ses leitmotivs et ses défis lancés au monde. La force de l’écriture s’impose. Elle nous traverse, convoquant à l’occasion les figures tutélaires de Marguerite Duras, Virginia Woolf, Sarah Kane, Gilles Deleuze… Comme ces écrivain-e-s, David est là pour raconter, pour expliquer, pour comprendre. Et il le fait. Sans détours. En talons hauts et torse nu, pour finir. Sur le My Way de Nina Hagen. Continuant de nous regarder droit dans les yeux.
Manuel Piolat Soleymat
* Création reprise les 7 et 14 février 2015, à 16h, sur la scène de Théâtre Ouvert.
** Texte publié en 2014 par les Editions Espaces 34. Egalement disponibles, de l’auteur, chez le même éditeur : Un jour nous serons humains (2014), Père et Fils (2012), Un Batman dans ta tête (2011).
Le mardi à 19h, du mercredi au vendredi à 20h, le samedi à 18h. Durée de la représentation : 1h20. Tél. : 01 42 55 55 50. www.theatre-ouvert.com
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