Le Cœur cousu
Claire Dancoisne adapte Le Cœur cousu, de [...]
Jos Houben et Marcello Magni cosignent et interprètent un spectacle gaguesque et poétique qui porte l’art du rire jusqu’au sublime : une grande leçon d’humour humaniste, fine et intelligente.
Marcel fait ce qu’il peut, et ce n’est pas facile… Il a dû être plus fringant, mais il a vieilli. Avec son costume étriqué et sa casquette, Marcel fait un peu pitié ; on le sent un peu sur le retour, pas très sûr de lui dans un corps que l’âge rend pataud et maladroit. Marcel doit passer des tests. Il lui faut renouveler une mystérieuse carte. Contrat de travail, autorisation à continuer à faire le clown, passavant, passeport, permis : on ne sait pas ce dont Marcel a besoin pour continuer à être Marcel, mais sous les traits de son génial interprète, se devinent tous ceux qu’une administration tatillonne et une société policière surveillent et humilient. On reconnaît en Marcel les cinquantenaires relégués au chômage, ceux qui font interminablement la queue devant les préfectures, les artistes en fin de droits, les humbles et les petits qui doivent se plier aux exigences imbéciles de la rentabilité et de la discrimination.
Rire ensemble
Marcel, en poète lunaire, s’emmêle les pinceaux et les crayons. A force de devoir convaincre qu’il peut encore, il ne parvient plus à rien. Il trébuche, se cogne, glisse et chute : la grande rampe sur laquelle il doit prouver qu’il n’a pas perdu l’équilibre devient un outil de torture burlesque. Face à Marcello Magni, Jos Houben est comme le clown blanc face à l’auguste, comme la raison face à la vie qui résiste toujours, par la blague et le détournement, aux lois démentes de sa volonté de maîtrise. Tout, dans ce spectacle, est d’une précision hallucinante, et Marcello Magni et Jos Houben manient l’art de l’ellipse, du retournement et du gag avec un talent confondant. Il faut voir l’œil de Marcel, lorsqu’il apprend qu’on ne renouvelle pas sa carte, pour saisir ce que peut concentrer de malheur poignant un comédien surdoué. Mais la larme qu’on essuie alors, par pitié pour Marcel, est séchée par le rire devant la pirouette drolatique grâce à laquelle Marcel retrouve sa dignité. Sans prétention sentencieuse, sans sarcasme, sans méchanceté et sans grossièreté facile, avec l’intelligence de ceux qui savent qu’on ne peut faire rire qu’en raillant la condition humaine (et donc soi-même en même temps que les autres), Marcello Magni et Jos Houben offrent une leçon de comique qui a tout d’une magnifique leçon d’humanité.
Catherine Robert
Du 29 janvier au 14 février 2015. Du mardi au samedi à 19h. Tél. : 01 46 07 34 50. Du 31 mars au 2 avril au Tandem Douai-Arras (31 mars et 1er avril au Théâtre d’Arras. Tél. : 03 21 71 66 16 ; 2 avril à L’Hippodrome de Douai. Tél. : 03 27 99 66 66. Les 14 et 15 avril à La Comète, scène nationale de Châlons-en-Champagne. Tél. : 03 26 69 50 99. Durée : 50 min.