La Maison d’à côté
Léna Bréban, Stéphane Comby, Hervé Dubourjal [...]
Après Julien Gosselin et Stanislas Nordey, Guy Delamotte s’attaque au texte incandescent et épineux de Anja Hilling, Tristesse animal noir.
Tristesse animal noir, c’est avant tout un texte hors normes. Une première partie où le feu couve : une banale saucisse party de quadragénaires occidentaux qui se font un barbecue dans une clairière, au beau milieu d’une forêt inflammable. Échanges ordinaires de propos piquants sur la vie sentimentale et professionnelle de chacun, où percent les rancœurs. Une deuxième partie où le feu embrase la forêt, les corps et le ciel jusqu’à l’horizon, où les hommes se retrouvent corps brûlants, cheveux et peau fondue qui leur dégouline dessus, avec pour unique secours leur instinct de survie. Une longue fuite apocalyptique, une écriture de la sensation absolument époustouflante. Et enfin, un après, un lendemain, où chacun essaye de se recomposer, de faire face au traumatisme, de dépasser ses douleurs physiques et morales pour s’inventer un nouvel avenir. A travers cette histoire aux registres variés, la photographie d’une civilisation pas franchement détestable, d’une humanité aux petites lâchetés, qui se construit des bonheurs en toc et s’éloigne insensiblement de sa nature, efface de sa mémoire qu’elle n’est qu’un agrégat d’animaux bipèdes, indéfectiblement liée au milieu qui lui a permis de naître et de se développer.
Un morceau de bravoure
D’une incontestable valeur littéraire, le texte d’Anja Hilling lance en même temps de nombreux défis au plateau. Les registres sont divers : dialogues ordinaires et écriture poétique, réalisme psychologique et visions fantastiques se télescopent allègrement. Et surtout, le texte est nourri de nombreuses didascalies et fait alterner action et récit de l’action. Une écriture à la fois romanesque, poétique et théâtrale donc, où l’épisode de l’incendie gigantesque se pose comme un morceau de bravoure pour tout metteur en scène. Privilégiant la lisibilité de l’action, Guy Delamotte a opté pour une mise en scène sans beaucoup d’artifices – quelques passages vidéo pour l’effet de réel et des projections d’images en arrière-plan -, qui donne à bien comprendre l’écheveau des relations entre les personnages et soutient dans une juste mesure la sensation brûlante. L’interprétation inégale et surtout hétérogène se fait cependant gênante. Outrageusement tragique ici, plus simple et naturel là, un peu chantant par ailleurs, le jeu de comédiens souvent un peu figés en scène offre une partition parfois peu convaincante. Sans être magnifié, le texte d’Anja Hilling n’en est cependant pas altéré. Sa beauté et ses particularismes traversent intacts l’épreuve du feu.
Eric Demey
du mardi au samedi à 20h30, le dimanche à 16h. Tél : 01 43 74 72 74
Léna Bréban, Stéphane Comby, Hervé Dubourjal [...]