La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

On ne badine pas avec l’amour

On ne badine pas avec l’amour - Critique sortie Théâtre
Légende photo : Philippe Faure dirige les amours cruelles de deux jeunes loups sanguinaires.

Publié le 10 janvier 2008

Mettant en scène les amours balbutiantes et brutales de Camille et Perdican, Philippe Faure fait éclore avec talent les fleurs vénéneuses de la passion sur un gazon d’herbe tendre.

Confondant amour et amour-propre, victimes malgré eux des discours des adultes et des postures sociales de leur classe, Camille et Perdican reviennent au vert paradis de leur enfance pour y détruire, bien malgré eux, l’innocence et la fraîcheur d’une pureté nostalgique. Rosette, sœur de lait de Camille, est demeurée au village comme une agnelle au pacage pendant que la nièce du Baron a subi les leçons mortifères des aigries du couvent et que son fils a découvert à Paris le latin et les femmes. Perdican, coquelet assuré de ses droits, batifole avec l’impudence vaniteuse d’un droit de cuissage déguisé en ardeur amoureuse ; Camille, jouvencelle raisonneuse dont l’orgueil prend des poses frigides, connaît déjà la laideur de l’amour sans en avoir encore expérimenté la beauté. Entourés par des adultes aveugles, uniquement préoccupés de leur bien-être (la table et la bouteille pour Blazius et Bridaine, le confort d’une vie réglée pour le Baron, la respectabilité dévote pour Dame Pluche), les deux enfants vont ferrailler comme des escrimeurs débutants, sans s’apercevoir que Rosette, innocent instrument de leurs assauts, a le cœur trop pur pour supporter ces liaisons dangereuses.
 
Une danse de mort retenue et brutale
 
Philippe Faure a choisi de débarrasser la pièce de Musset de tous ses accessoires et de tous ses décors, ne conservant comme arène amoureuse qu’un vaste plateau engazonné sur lequel les comédiens, tous vêtus de noir, dessinent les chemins de leurs impossibles rencontres. Les corps se frôlent, se sentent, s’attirent sans se rejoindre et tout est laissé au texte de la passion. L’érotisme contenu de corps que corsètent ainsi la scénographie et la direction d’acteurs est d’une force peu commune, les amants paraissant constamment au bord d’une défaite qui serait leur victoire et à laquelle pourtant se refuse leur raison arrogante qui n’accepte pas de rendre les armes avec lesquelles elle s’amuse à jouter. Des seconds rôles solidement campés par des comédiens qui usent finement du grotesque pour mieux montrer le caractère ridicule des valeurs de l’aristocratie finissante dont Camille et Perdican sont les représentants faussement héroïques, des jeunes comédiens qui ont la beauté et la grâce de leurs personnages, un rythme et une clarté du jeu qui restitue le texte dans toute sa cruelle efficacité : tout concourt à faire de ce spectacle une belle et intelligente lecture de ce badinage criminel. « On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans » confessait un autre enfant du siècle : Philippe Faure, libérant Musset des affèteries maniéristes dont on alourdit habituellement son théâtre en le croyant romantique, le rend à sa noirceur fondamentale et le résultat est époustouflant.
 
Catherine Robert


On ne badine pas avec l’amour, d’Alfred de Musset ; mise en scène de Philippe Faure. Du 12 janvier au 10 février 2008. Mardi, mercredi, vendredi et samedi à 20h30 ; jeudi à 19h30 ; dimanche à 16h. Théâtre de la Tempête, Cartoucherie, route du Champ-de-Manœuvre, 75012 Paris. Réservations au 01 43 28 36 36. Pièce vue au CDR de Tours le 14 décembre.

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