La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

La Lettre à Helga

La Lettre à Helga - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de l’Epée de Bois
Roland Depauw interprète Bjarni © Bénédicte Jacquard

texte Bergsveinn Birgisson / mes Claude Bonin

Publié le 28 novembre 2018 - N° 271

Pour la première fois, l’auteur islandais Bergsveinn Birgisson est porté à la scène en France. Un spectacle d’une grande finesse qui fait revivre un amour impossible sur fond de forêt islandaise.

Il fallait s’armer de courage en ce soir de première où pluie battante et problèmes de métro rendaient l’accès à la Cartoucherie difficile. Le voyage en tout cas vaut le détour. D’abord parce qu’on est plongé, dès l’arrivée dans le studio du Théâtre de l’Épée de bois, dans l’ambiance d’une bergerie traditionnelle islandaise grâce à la très réussie scénographie de Cynthia Lhopitallier, faite de palissades en bois et de gros sacs de toile d’où s’échappent de la laine de brebis. Ensuite, pour entendre le texte charnel et abrupt de Bergsveinn Birgisson (né en 1971) dont le roman, publié en France aux éditions Zulma, remporta un joli succès de librairie en 2013. Roland Depauw, tel un roi Lear nordique, porte avec robustesse et sincérité la voix de Bjarni, un vieil homme de 90 ans près de mourir, qui adresse à la femme qu’il a passionnément aimée une longue lettre post-mortem. Il y raconte comment leur relation a éclos alors qu’ils étaient chacun marié et pourquoi il ne l’a pas suivie à la ville malgré la naissance d’un enfant commun. Plus qu’une histoire d’amour – au demeurant très belle –, c’est toute une façon de vivre traditionnelle qui est restituée : la campagne islandaise, le quotidien d’une bergerie, les ragots des voisins…

Topographie et identité

A la sensualité de la relation entre Bjarni et Helga répond la sensualité inattendue d’une toison de bélier que le paysan palpe et fouille pour évaluer l’épaisseur des chairs – il est contrôleur de fourrages. On comprend alors que la topographie d’un lieu est essentielle dans la construction et l’intégrité d’une identité. Avec un tel acteur, le texte aurait presque pu se suffire à lui-même. Mais le metteur en scène Claude Bonin a su trouver l’art d’enchâsser finement lumières, musique et vidéo pour faire accéder la prose à une partition plus vaste. Sur le plateau, le musicien Nicolas Perrin fait jaillir d’une simple pierre qu’il polit un son aussi charmeur et agaçant qu’une caresse longuement répétée. Ses instruments insolites (waterphone, dulcimer, pas électroniques…) soutiennent le texte soit comme fond sonore soit comme ponctuation. Le même rôle est dévolu, sur le plan visuel, à la création vidéo signée Valérie Faidherbe, vidéo que l’on découvre à travers les lattes de bois de la palissade. Sa présence, jamais envahissante, évoque tantôt la neige, tantôt les fumerolles, la ville, la mer ou le sang d’un animal. Grandeur des fjords, beauté de la lande, rudesse des paysages nordiques : bienvenue en terre d’Islande !

Isabelle Stibbe

A propos de l'événement

La Lettre à Helga
du lundi 26 novembre 2018 au samedi 22 décembre 2018
Théâtre de l’Epée de Bois
Cartoucherie, Route du champ de Manœuvre, 75012 Paris.

Du 26 novembre au 22 décembre 2018. Du lundi au vendredi à 20h30, samedi à 16h et 20h30. Tél. : 01 48 08 39 74.

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