La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Jean Moulin

Jean Moulin - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre Déjazet
© Lucas Dubosc

Théâtre Déjazet / de Jean-Marie Besset / mes Régis de Martrin-Donos

Publié le 23 octobre 2018 - N° 270

Renouant avec le théâtre historique déjà présent dans sa première pièce Villa Luco, Jean-Marie Besset retrace les grandes étapes de la vie du résistant de 1940 à 1943. Un spectacle très documenté mais qui manque parfois de rythme et de finesse

Entre la création de la pièce au festival d’Anjou en 2016 et la version présentée en ce moment au Théâtre Déjazet, la pièce de Jean-Marie Besset a été amputée de la deuxième partie de son titre, initialement appelé Jean Moulin, Évangile. Exit la référence christique pour le héros laïque, même si elle reste présente dans l’intitulé de l’acte IV (« Passion ») et dans certaines propositions de mise en scène, tel ce tableau final – l’agonie de Jean Moulin –, figuré comme une descente de croix. Pareille métaphore ne laisse pas d’agacer. Alors que la pièce vise à tenter de comprendre « de quel tissu (familial, affectif, social, politique) est tramée l’étoffe d’un héros », l’allégorie christique inscrit Jean Moulin dans une démarche sacrificielle qui non seulement est contestable mais réduit précisément la complexité des raisons qui poussent à entrer en résistance. Pour le reste, la pièce, très documentée, trouve l’équilibre entre scènes politiques et scènes intimes, et restitue assez bien les désaccords entre résistants, notamment la rivalité avec Fresnay et Bénouville, ou le rôle de l’entourage de l’ex-préfet de l’Eure-et-Loire, en particulier sa sœur, Laure, ou l’amie fidèle, Antoinette Sachs.

De hautes armoires normandes au cœur du dispositif scénique

Tout cela est porté au plateau par Régis de Martrin-Donos dont la mise en scène comporte quelques idées judicieuses. Ainsi, de hautes armoires normandes constituent le cœur de son dispositif. Elles sont en effet très évocatrices de ces années 40, à la fois par leur présence dans la plupart des maisons de cette époque et aussi parce qu’elles ont pu servir de cachettes ou de passages secrets. Le metteur en scène résout bien également la question des différents lieux de la pièce au moyen de fondus enchaînés qui enchâssent les scènes les unes dans les autres et fluidifient le passage de l’une à l’autre. Malgré tout, le résultat manque de rythme et souffre d’une direction d’acteurs trop peu nuancée : Sébastien Rajon (Jean Moulin) joue tellement la discrétion qu’il semble en retrait de son rôle, à l’inverse Laurent Charpentier (Henri Fresnay) donne une interprétation trop en force. Par son physique et sa diction, Stéphane Dausse est si troublant de ressemblance avec le général de Gaulle qu’il en vient à susciter le rire du public dans des moments où l’importance de l’Histoire est cruciale. Preuve peut-être de la difficulté de porter à la scène un passé encore si proche de nous.

Isabelle Stibbe

A propos de l'événement

Jean Moulin
du jeudi 18 octobre 2018 au samedi 17 novembre 2018
Théâtre Déjazet
41 boulevard du Temple, 75003 Paris

Du lundi au samedi à 20h30. Matinées exceptionnelles les samedis 20, 27 octobre et 3 novembre à 16h. Tél. : 01 48 87 52 55.

Le texte est édité à L’Avant-Scène Théâtre – Collection des 4 vents.

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