Le syndrome de Cassandre
Une dégaine de traîne-savate, un peu ours mal [...]
Entre explosion de couleurs et rêve de longue route, Gramblanc, le clown de Jean Lambert-wild que Catherine Lefeuvre connaît mieux que lui-même, explore le si curieux métier de vivre et d’être artiste…
Vous êtes le clown Gramblanc mais c’est Catherine Lefeuvre qui le fait parler…
Jean Lambert-wild : Catherine écrit sur mesure pour Gramblanc et ses mots sont en osmose avec cette figure particulière qu’est mon clown blanc, qui n’est pas là pour faire rire mais pour donner une perspective autre de la réalité. Il y a une chose très particulière, très iconoclaste chez le clown blanc, qui l’affranchit même du rire. Grâce à cette liberté, on redécouvre en lui la magie des gestes et des mots. Dans Coloris vitalis, Gramblanc est malade, ce qui est évidemment tragique et provoque un rire élégant, qui prend appui sur des émotions complexes. L’humour est dans la fureur d’un langage dépourvu de facilités. Gramblanc est atteint de « chromopathologie », mais sa véritable maladie, c’est l’amour de la vie : il est à ce point amoureux des couleurs de la vie qu’il explose.
Comment Gramblanc est-il né ?
J.L.-w. : Gramblanc est sorti de la nuit ; depuis, je vis avec. J’ai essayé de le comprendre, de l’éduquer, de le former. C’est un clown blanc, un peu perdu dans notre monde aujourd’hui envahi par les augustes. Il est parfois Richard III, parfois Lucky ; il peut être la mort dans Frida jambe de bois, ou encore Dom Juan : ses mutations sont aussi le propre de son évolution et s’il est jubilatoire, c’est parce que Catherine, qui a une telle science de mes dichotomies et porte la perspective de ce que je suis, l’écrit et le décrit ainsi. Le clown choisit souvent la facilité : ce n’est pas le cas de celui-ci, qui n’est jamais complaisant, jamais facile. Son identité est le fruit de l’unité de notre travail mais aussi de son écriture singulière. Catherine a un compte à régler avec les mots, et Gramblanc, qui rechigne aux partitions secondaires, escalade cette écriture comme une montage sublime : arrivé au sommet, sa jubilation est extraordinaire. Dans Coloris vitalis, je suis debout sur un plot, dans une grande robe reprenant les rayures et les motifs de mon pyjama ; dans Un clown à la mer, sur un petit canapé rouge qui devient un bateau. Dans les deux spectacles, je suis accompagné par Jean Meyrand, régisseur plateau au Théâtre de l’Union, dont la présence structure le jeu et rappelle que, dans ces calentures comme toujours au théâtre, la connivence est essentielle entre techniciens et artistes !
Propos recueillis par Catherine Robert
à 19h. Tél. : 05 55 79 90 00.
Une dégaine de traîne-savate, un peu ours mal [...]