Faire aimer la danse sous toutes ses formes !
Fondation BNP Paribas, mécène de la Danse contemporaine
30 ans de passion partagée aux côtés de la Maison de la Danse de Lyon
Entretien / Dominique Hervieu
Publié le 26 février 2016
Directrice de la Maison de la danse et de la Biennale de la danse de Lyon depuis 2011, la chorégraphe Dominique Hervieu poursuit cette belle aventure artistique et humaine, soutenue depuis 30 ans par la Fondation BNP Paribas.
Vous fêtez cette année trente ans de compagnonnage avec la Fondation BNP-Paribas. Comment vous accompagne-t-elle ?
Dominique Hervieu : Nous partageons les mêmes valeurs sur la création et le partage avec le public, ce qui facilite évidemment le dialogue. La Fondation intervient au moment décisif des débuts, pour permettre la prise de risque, épauler les tentatives et favoriser l’essor des projets. Elle a soutenu les évolutions que nous avons initiées, à la fois à travers le festival La Maison Sens dessus dessous et Numéridanse.tv. La Maison Sens dessus dessous est un temps fort qui, durant quatre jours, propose des formes inhabituelles, expérimentales, souvent performatives, voire des installations, qui croisent les disciplines et investissent différents lieux dans le théâtre, du grand plateau jusqu’à des espaces plus intimistes. Parallèlement, nous avons conçu des dispositifs d’éducation artistique et culturelle pour former un public prêt à accueillir de telles propositions. En 2014, lors de la reconduction du partenariat pour trois ans, la Fondation est devenue « Grand mécène des créations et des résidences internationales ». Ces 30 ans de fidèle soutien seront célébrés en octobre 2017 à travers une création conçue pour l’espace numérique.
« Jouir en toute connaissance de chacun des registres de la danse : voilà l’important ! »
Quel bilan tirez-vous aujourd’hui des évolutions que vous avez impulsées à la direction de la Maison de la danse depuis votre arrivée en 2011 ?
D. H. : Auparavant, cette maison se dédiait à la diffusion et offrait une vitrine à la création chorégraphique internationale. Ce choix était conditionné par l’équipement, une salle de 1200 places, et la structure de financement, plus de 50% du budget devant être assuré par des recettes propres. Cette configuration est peu propice aux formes émergentes et ne permet qu’une prise de risque très mesurée. Par ailleurs, si le public fait montre de curiosité et d’une solide culture chorégraphique, il n’était pas habitué à suivre des processus de création. Entrer dans la fabrique des œuvres suppose tout un travail d’accompagnement préalable pour éveiller le regard. Depuis 2011, nous avons initié une politique d’accompagnement de la création, en lien avec la programmation de la Biennale de la Danse, notamment en ouvrant le plateau pour des temps de répétitions. Benjamin Millepied, la compagnie XY et le collectif Petit travers ont ainsi été accueillis.
Vous allez prochainement investir un nouveau lieu. Quel en est le projet ?
D. H. : A force de pédagogie et de conviction sur la nécessité d’un lieu de fabrique pour la danse, la Ville de Lyon a confié à la Maison de la Danse l’ancien musée Guimet de Lyon, qui sera réhabilité en lieu de production et de création chorégraphique, à échéance 2019. Cet espace de 9000 m² situé dans le 6e arrondissement, qui exposait des collections d’Histoire naturelle, va désormais abriter l’Atelier de la danse, qui sera aussi un lieu de formation et de sensibilisation à l’art chorégraphique.
Votre projet témoigne d’un ferme engagement en faveur de la diversité des esthétiques et de l’éducation artistique et culturelle. D’où vous vient cette conviction ?
D. H. : L’enjeu de démocratisation reste une préoccupation majeure pour qui porte une mission de service public. Nous devons travailler à la mixité sociologique, à l’accès de tous aux institutions culturelles. Il en va non seulement du développement des publics mais, et peut-être plus encore, de la construction de l’humanisme de chacun. Je crois que l’exercice de la sensibilité par la fréquentation des œuvres participe de l’émancipation de l’individu. Nous en avons plus que jamais besoin dans le contexte actuel, marqué par le manichéisme des discours, les replis identitaires et les ravages de la consommation passive. L’éducation artistique et culturelle est une mission fondamentale, qu’il faut sans cesse questionner pour inventer de nouvelles réponses, en lien avec la politique de la ville, l’éducation nationale… Quant à la variété esthétique, elle témoigne sans doute de ma détestation de tous les sectarismes ! Nous avons pratiqué l’éclectisme et le métissage des danses depuis nos premières créations avec José Montalvo. Plus les démarches sont affirmées, plus elles m’intéressent, car elles portent un point de vue. Jouir en toute connaissance de chacun des registres de la danse : voilà l’important !
Entretien réalisé par Gwénola David