« Anatomie du désir », un projet de cirque métaphysique surprenant signé Boris Gibé
Anatomie du désir part de l’objet malsain [...]
Hiam Abbass, Jean-Baptiste Sastre, Geza Rohrig et Caroline Vicquenault partagent la scène de la Chapelle, au Théâtre des Halles, pour faire entendre une adaptation théâtrale de L’Écriture ou la vie. Dans ce récit autobiographique, Jorge Semprún témoigne de la difficulté et de la nécessité de raconter l’expérience de la déportation.
« Après avoir fui l’Espagne franquiste dans les années 1930, Jorge Semprún a trouvé exil en France et est entré dans la Résistance. Il a ensuite été arrêté par la Gestapo, en 1943, puis déporté à Buchenwald, camp dont il a été évacué en 1945. Dans L’Écriture ou la vie, il nous amène à plonger dans les affres de l’histoire tragique du XXe siècle. Lui-même a traversé ces heures noires, comme d’autres qui n’en sont jamais revenus. Ces faits nous posent la question de la mémoire. Car, comme se le demandaient Jorge Semprún et Elie Wiesel, une fois que tous les survivants auront disparu (ndlr, Jorge Semprún est mort le 7 juin 2011, Elie Wiesel le 2 juillet 2016), qui témoignera de l’abomination nazie, qui portera la parole de celles et ceux qui ont survécu ? Dans l’époque dangereuse et tourmentée qui est la nôtre, il nous a semblé essentiel de nous faire les passeuses et les passeurs de cette parole, de cette mémoire, de nous emparer sur scène de cette responsabilité-là.
« Se taire est interdit, parler est impossible »
Mais, comme le disaient également Jorge Semprún et Elie Weisel : « Se taire est interdit, parler est impossible ». Alors on fait ce que l’on peut, en passant par exemple par la poésie, qui était très présente dans les camps, à Buchenwald, à Auschwitz. Lorsque j’ai travaillé sur Notre Jeunesse de Charles Péguy, en 2021, un spectateur en sortant du spectacle m’a interpellé : « Vous savez monsieur, les Juifs, ça ne mérite pas trois lignes… ». Je suis effaré qu’à notre époque on puisse prononcer publiquement de tels mots, de manière aussi libre, aussi décomplexée. Cette expérience d’une grande violence a été l’une des choses qui m’ont décidé à adapter L’Écriture ou la vie au théâtre. C’est le 11 avril 1987, le jour du suicide de Primo Levi, que ce texte a jailli dans l’esprit de Jorge Semprún. Il commence par des pensées de Maurice Blanchot, qui dit que c’est par l’oubli que la mémoire peut se créer. Sur scène, Geza Rohrig, qui ne parle pas français, s’exprimera en hongrois. La traduction sera écrite à la main, sur le plateau, par la peintre Caroline Vicquenault, qui signe la scénographie du spectacle. »
Propos recueillis par Manuel Piolat Soleymat
à 11h, 84000 Avignon. Relâche les jeudis. Tél. : 04 32 76 24 5. Durée 1h30.
Anatomie du désir part de l’objet malsain [...]
Massimo Fusco nous propose un espace hors du [...]
Troisième création de la compagnie Les [...]