La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -194-ivry

MICHELE BERNARD

MICHELE BERNARD - Critique sortie Jazz / Musiques
© Sabine Li

Publié le 10 janvier 2012

LE SENS COMME DIRECTION DE VOYAGE

AUTEURE, COMPOSITRICE ET INTERPRETE, MICHELE BERNARD TOUCHE AU CŒUR LE PUBLIC. SENSIBLE, AFFECTIVE, LUCIDE ET TALENTUEUSE, ELLE DISTILLE UNE CREATION TOUT PUBLIC DE 7 A 107 ANS : SENS DESSOUS DESSUS.

« Je veux que ce spectacle soit joyeux, créer un instant lumineux, aller à contresens de l’ambiance morose sociale » Michèle Bernard
 
S’adresser aux enfants est-il un exercice à part ?
Michèle Bernard : Je ne vois qu’une seule différence avec les adultes : il y a des thèmes qu’on n’aborde pas. Autrement, l’approche est finalement la même… Parfois, des parents se retrouvent dans la salle pour accompagner leurs enfants, ils ne seraient peut-être jamais venus sans ça ! Les adultes ont en présence d’enfants une posture d’auditeur plus franche, sans a priori. Ce public captif crée du lien, cela donne du sens à la notion de spectacle en public.
 
« Sens » est d’ailleurs le mot clef de votre création.
M. B. : Le mot de sens est lié au sensuel, à la sensation, à l’intellect, à la géographie, c’est un mot très ouvert. Partant de chansons existantes, j’ai écrit de nouveaux textes en déclinant ce thème : le sens comme direction de voyage, le sens interdit, ce qu’il nous est permis de faire de notre vie. J’ai eu envie d’évoquer ou inventer des personnages, qui, par ce qu’ils font ou sont, ne vont pas dans le même sens que tout le monde. Je me suis par exemple inspirée d’un poème de Louise Michel, La Vieille Chéchette, une sorcière monstrueuse et rejetée qui sauve un enfant. Se méfier des apparences… Une clef de l’humanité.
 
En plus de trente ans de carrière, que percevez-vous de l’époque à travers le public ?
M. B. : J’ai démarré à une époque particulière, l’après 68, militante et politisée. La chanson servait à protester, changer la société. Aujourd’hui l’artistique a peut-être une autre fonction, celle de mise en lien. Le désir de changer la société reste d’actualité, mais c’est un désir plein de désillusion. La dure réalité est retombée sur l’art protestataire. Je ressens désormais le lien au public comme plus chaleureux, plus émotionnel… mais ce doit être lié à moi, en vieillissant je deviens sentimentale ! Je veux que ce spectacle soit joyeux, créer un instant lumineux, aller à contresens de l’ambiance morose sociale.
 
Autant que le chant et les textes, l’accordéon est lié à votre parcours.
M. B. : L’accordéon a symbolisé ma libération du carcan familial : je quittais le piano du salon pour aller où je voulais. Il me met en lien avec une histoire de la chanson : il m’a permis d’aborder le folk, la chanson rive gauche, de me connecter avec un patrimoine. C’est un instrument international, qui a trouvé sa place au-delà des musiques populaires et du cliché de la chanson française dépressive ! Et puis cette présence envahissante de l’instrument contre les poumons crée une proximité qui oblige à bien s’entendre avec lui. L’accordéon joue fort, cette puissance oblige à chanter au-dessus et donc à affirmer un style de chant. En revanche je ne me prétends pas accordéoniste, je ne fais que m’accompagner. Face à l’accordéon, les enfants sont souvent impressionnés. Je leur fais généralement entendre avant toute musique le premier son, le premier souffle. Ils y entendent la mer, le vent. Le début du voyage.

Propos recueillis par Jean-Luc Caradec

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