Stuart Seide
le cœur et l’intelligence à [...]
Laurent Hatat traverse Nathan le Sage à la lumière du monde actuel. L’occasion de réentendre avec humour les fondamentaux du vivre ensemble.
La mise en scène de Nathan le Sage est d’actualité.
Laurent Hatat : La fable de Nathan le Sage peut malheureusement paraître complètement irréaliste : Un Juif, un Chrétien et un Musulman capables de dépasser leurs religions respectives pour se reconnaître une raison d’être commune. Mais si l’on tient ce genre d’histoire pour naïve, alors il est inutile de tenter quoi que ce soit pour sauver l’humanité. Si le théâtre n’est pas le lieu adéquat pour raconter la vérité de ce possible, alors plus rien ne l’est. Voilà pourquoi nous racontons cette histoire comme une aventure qui peut encore exister aujourd’hui, chez nous, dans nos quartiers.
Comment posez-vous la pièce dans notre contemporanéité ?
L. H. : L’action est censée se passer à Jérusalem, mais c’est bien compliqué. Inscrite de nos jours, l’action se déroule dans notre pays, dans la rue, du côté d’un Belleville populaire par exemple. On retrouve là les représentants de toutes les communautés. Une sorte de décalage s’opère puisque dans Nathan le Sage le représentant du pouvoir est le Musulman tandis que le représentant du déclassement social, de la tentation extrémiste est le Chrétien. Le Juif, dans le rôle du bourgeois éclairé, reste le pivot de l’histoire au dix-huitième siècle comme dans la vie d’aujourd’hui.
« Le théâtre devient la caisse de résonance d’un discours philosophique humaniste. »
La pièce de Lessing est une comédie.
L. H. : C’est bien une comédie du dix-huitième siècle avec un père qui refuse de marier sa fille et un jeune homme qui doit passer des épreuves pour être digne d’épouser la jeune femme. C’est aussi un conte populaire avec accidents et rebondissements. Le théâtre devient la caisse de résonance d’un discours philosophique humaniste, il affiche clairement les enjeux du vivre-ensemble ici et maintenant. Parlons d’une farce, d’un pied de nez à l’adresse de tous les théologiens des religions révélées, de toutes les soutanes noires. Lessing plaide pour une reconnaissance universelle de l’homme, du vivant et non des dogmes.
Propos recueillis par Véronique Hotte
Nathan Le Sage, de Gotthold Ephraïm Lessing ; mise en scène de Laurent Hatat. Du 5 au 15 mars 2008. Reprise du 28 mars au 18 avril au Théâtre de la Commune d’Aubervilliers et du 24 au 30 avril au Nouveau Théâtre de Besançon.