Playing the victim
©Légende photo crédit © D.Matvejev
La mise en scène de Playing the victim par Oskaras Korsunovas claque au cœur de l’imaginaire du spectateur.
Légende photo crédit © D.Matvejev
La mise en scène de Playing the victim par Oskaras Korsunovas claque au cœur de l’imaginaire du spectateur.
Publié le 10 novembre 2007
Le lituanien Oskaras Korsunovas s’empare de la pièce des frères russes Presniakov : une comédie satirique qui frotte le réel au sel cruel du rire pour dire la déraison de notre époque.
Rebelle, volontiers ironique, physique jusqu’à l’incandescent, puissamment métaphorique et inventif : le théâtre selon Oskaras Korsunovas ne s’embarrasse pas des fioritures de l’esthétisme ni des orgueilleux artifices du style. Il vise l’essentiel, c’est-à-dire questionner l’état du monde et secouer les consciences, non dans l’affrontement stérile mais dans un dialogue intime, au cœur de l’imaginaire du spectateur. Chaque mise en scène claque comme un geste dissident, une semonce salutaire qui puise sa force dans la résonance qu’elle éveille avec notre époque. Provocateur pour certains, insoumis en tout cas, le metteur en scène lituanien (38 ans) défend un art résolument en prise avec la société, mêlant critique astringente du consumérisme et aspirations métaphysiques. Pour lui, le théâtre doit s’aventurer derrière le cadre des apparences, là où grouille en silence l’indicible pudiquement refoulé sous le tapis des conventions sociales. Quitte à écorcher le vernis policé des bonnes mœurs culturelles. « Nous sommes un espace de résistance qui croit que le théâtre peut et doit laisser entrevoir au spectateur la possibilité d’une révolte, d’une action, et pourquoi pas d’une vie différente. » clame celui qui fonda sa propre structure, l’OKT (Oskaro Korsunovo Teatras) en 1998, pour marquer la rupture et sa farouche indépendance. Refusant longtemps le prestige de l’institution, Oskaras Korsunovas a tracé son chemin en enjambant les vieilles frontières de l’Europe et les césures du répertoire, tutoyant Koltès, Mayenburg ou Ravenhill comme Boulgakov et Shakespeare. « Monter des textes contemporains comme des classiques et des textes classiques de manière contemporaine. » aime-t-il à dire.
« Il faut accompagner l’acteur dans le processus d’émergence et de libération de ce qu’il garde tapi au fond de lui-même. »
Le délitement des valeurs morales et de la responsabilité
La sève de son langage scénique vient en effet des acteurs. « Je travaille à partir d’improvisations. Nous cherchons et testons ensemble des idées. Souvent, les acteurs ne soupçonnent pas eux-mêmes les possibilités qu’ils recèlent en eux. Il faut être capable de voir les mouvements organiques qui surgissent quand ils disent un texte, mouvements qui viennent de leur inconscient. Mon travail consiste alors à savoir lire cette pensée intuitive et à donner à cet inconscient la faculté d’agir. Il faut accompagner l’acteur dans le processus d’émergence et de libération de ce qu’il garde tapi au fond de lui-même. Au fur et à mesure, les actions se font de plus en plus concrètes. » C’est avec cette ardeur chevillée au corps qu’il s’empare aujourd’hui de Playing the victim, d’Oleg et Vladimir Presniakov, éclatants talents de la dramaturgie russe : l’histoire de Valya, jeune homme employé par la police pour prendre la place du mort lors de reconstitutions criminelles, sorte d’Hamlet contemporain qui entend la voix de son père assassiné, montre avec force l’empire du conformisme ambiant et le délitement des valeurs morales – tout simplement de l’humanité et de la responsabilité. Dans cette comédie coriace, les deux frères multiplient situations cocasses et critiques acerbes, épinglant l’absurdité d’un système véreux qui se repaît de simulacres et de relations grossièrement marchandée. « Cette pièce dévoile évidemment la réalité de la Russie, peut-être même du monde, commente Oskaras Korsunovas. Ces gens ont vu dans leurs jeunes années comment une structure peut se muer en une autre, comment les valeurs peuvent s’effondrer. Ils deviennent souvent cyniques, ou se transforment en caméléons. » Sur le plateau, peu d’accessoires. Le jeu règne sans partage, grinçant, inspiré, sur fond de musique pop-rock endiablée. Avec leur énergie sculptée, leur vitalité d’athlètes, leur créative souplesse, les comédiens retournent les multiples sens de la fiction, pour révéler les errements de notre temps dans toute leur complexité.
Gwénola David
Playing the victim, d’Oleg et Vladimir Presniakov, mise en scène d’Oskaras Korsunovas, les 21 et 22 novembre 2007, à 19h30.
L’Atelier de la Comédie de Reims, 3 Chaussée Bocquaine, 51100 Reims. Tél : 03 26 48 49 00. Site : www.lacomediedereims.fr
L’Atelier de la Comédie de Reims, 3 Chaussée Bocquaine, 51100 Reims. Tél : 03 26 48 49 00. Site : www.lacomediedereims.fr