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Entretien Philippe Herreweghe, directeur musical de l’Orchestre des Champs-Elysées

Entretien Philippe Herreweghe, directeur musical de l’Orchestre des
Champs-Elysées - Critique sortie Classique / Opéra

Publié le 10 mai 2007

« L’emploi des instruments anciens ajoute une véritable force poétique »

Vous dirigez l’Orchestre des Champs-Elysées depuis sa création il y a quinze
ans. Quelle a été l’évolution de l’orchestre ?

Philippe Herreweghe : Il y a tout d’abord eu une évolution du
répertoire. Au départ, l’O.C.E. avait été créé afin d’interpréter les oeuvres
classiques, de Haydn à Beethoven. Mais il y avait déjà des formations qui
jouaient la musique de cette période, comme l’Orchestre du XVIIIème siècle. Nous
voulions apporter quelque chose de nouveau au paysage musical et nous sommes
donc spécialisés dans la musique de la seconde moitié du XIXème siècle, avec
Berlioz, Schumann… En même temps, il y a eu une évolution du niveau des
instrumentistes. Ils sont de plus en plus forts ! L’ensemble s’est par ailleurs
élargi et comprend maintenant aussi bien des baroqueux que des musiciens issus
d’une formation moderne.

Vous interprétez aujourd’hui Bruckner et Mahler. Quel est l’intérêt
d’employer des instruments d’époque dans ce répertoire ?

P.H. : L’emploi des instruments anciens ajoute une véritable force
poétique. Pour les cordes, les archets étant moins lourds, il y a très peu de
problèmes d’articulation et de phrasé. Et pour les vents, leur sonorité moins
puissante permet un meilleur équilibre, notamment avec les chanteurs.

Fixez-vous une limite à l’utilisation des instruments anciens ?

P.H. : Nous allons prochainement aborder l’?uvre de Debussy. Il faut
rappeler que les cordes en boyau étaient en vogue à Paris jusque dans les années
30. Je suis sûr que Debussy, chez qui la couleur est essentielle, pourra
bénéficier de cette approche. L’O.C.E. a d’ailleurs pour mission de défendre la
musique française, notamment celle du début du siècle dernier. Néanmoins, il ne
me paraît pas judicieux d’employer des instruments anciens pour les oeuvres
postérieures à cette période.

Quel est le fonctionnement de l’Orchestre ?

P.H. : Nous fonctionnons à 60 % avec nos propres recettes. Il nous faut
donc être très prudents dans la mise au point de nos programmes. L’O.C.E.
travaille 100 jours par an. Une partie des concerts est ainsi assurée par
d’autres chefs, comme Daniel Harding ou René Jacobs. L’Orchestre va par ailleurs
faire de plus en plus d’opéra, mais sans moi ! J’ai un tempérament trop
introverti pour l’univers lyrique.

Vous enregistrez depuis 25 ans chez Harmonia Mundi. Comment expliquez-vous
une telle fidélité ?

P.H. : On se sent bien des deux côtés. Harmonia Mundi me laisse libre
dans ma démarche artistique. Et nos disques se vendent bien ! Il faut souligner
que ce label a une politique aventureuse, loin de certaines majors venues me
proposer d’enregistrer des tubes comme Le Messie. Tout comme en
littérature, ce sont les éditeurs de taille moyenne qui misent sur la qualité.

Quel regard portez-vous sur le mouvement baroqueux dont vous êtes l’une des
figures les plus emblématiques ?

P.H. : Lors de la création de l’O.C.E., le mouvement était encore
contesté. Il est d’ailleurs arrivé en France avec un peu de retard par rapport à
la Hollande ou à la Belgique. Mais aujourd’hui, c’est devenu une mode ! Il y a
bien sûr certains aspects négatifs : une routine peut s’installer et le créneau
se limite parfois à sa simple dimension commerciale. Mais je reste
majoritairement optimiste, notamment en entendant certains jeunes interprètes
talentueux.

Propos recueilli par Antoine Pecqueur

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