Horny Tonky
Le 27 janvier 2015, les clichés sur Nicolas [...]
Focus -225-JAZZ / NICOLAS FOLMER
A la lumière d’une carrière prolifique, Nicolas Folmer est passé en vingt ans du statut de jeune musicien doué et volontariste à l’image d’un artiste complexe qui creuse sa capacité à douter. Rencontre avec un musicien en quête de sens et de remise en cause.
Votre image de musicien est-elle différente de votre personnalité réelle ?
Nicolas Folmer : Plus jeune, je travaillais énormément ma technique. Je crois que c’était une façon de me protéger. Ça a pu être perçu comme de l’assurance extrême, alors que c’était plutôt pour me rassurer, pour me protéger du trac. Je sais que j’ai l’image de quelqu’un de sûr de lui, pourtant je me pose des questions, je cherche, je révise ma copie. Je suis un besogneux.
Besogneux et perfectionniste ?
N.F. : Oui, mais moins qu’avant. Entre le Paris Jazz Big Band et le Quartet, j’ai réalisé dix-sept albums : je me suis prouvé certaines choses, et aujourd’hui j’ai tendance à penser que c’est le geste qui compte, que la beauté réside aussi dans les imperfections. Une fois ma palette musicale construite, il fallait arriver à me libérer des contraintes, à oublier ce que j’avais appris. Avec les années et l’entourage, j’arrive à lâcher prise, à ne plus avoir besoin de prouver que je suis un bon élève. Je ne sais pas si j’ai réussi, j’en suis encore là.
Quel a été le déclic de cette transformation?
N.F. : Il y a les rencontres qui pointent là où il faut. Quand j’avais 19 ans, George Russell m’a dit : « On sait que tu sais jouer ! Passe à autre chose. » J’étais loin de comprendre cette phrase qui des années après résonne. Humair m’a dit plus tard la même chose… Les conseils de ceux qui n’ont pas peur de parler franchement sont précieux. A l’école, on vous dit quoi faire. Quand vous jouez dans un groupe, le leader dit ce qu’il attend de vous. Mais quand vous prenez les rênes, vous êtes tout seul ! Et puis il y a les claques. Quand un projet n’est pas bien reçu, soit on se dit que les autres ont tort, et on fait le même disque toute sa vie, soit on se pose et on se dit : ok, ce que j’ai voulu dire n’a pas été compris, donc je ne le dis pas assez clairement, et… il faut travailler là-dessus ! C’est une remise en question perpétuelle, ça n’est jamais gagné.
Comment voyez-vous la nouvelle génération ?
N.F. : Quand j’étais ado, les disques étaient rares et chers. Dans ma ville, il n’y avait qu’un disquaire qui vendait du Sardou ou du Goldman. Ceci dit dans les années 1980 et 1990, il y avait pas mal de sections cuivres dans la variété, je les connaissais par cœur. J’aimais bien la radio, et mon père écoutait Otis Redding. Mais pas de jazz. On se refilait des cassettes entre copains qu’on apprenait par cœur. Aujourd’hui on peut zapper à l’infini, écouter gratuitement. La génération actuelle a une culture bien plus large que la nôtre, ils connaissent aussi bien le jazz que le hip-hop, la chanson française, la musique classique ou contemporaine, et il y a un écart qui se creuse avec ceux qui restent cramponnés. Quand j’ai commencé, il fallait que ça sonne jazz. J’avais beau écouter plein de musiques, mes projets devaient être du Jazz balisé avec un J majuscule. C’est de l’ordre du contrat social, on s’oblige à s’insérer dans une case. Je suis admiratif de ceux qui arrivent à s’affranchir des codes. Du moment qu’on est cohérent, peu importe de savoir dans quel bac va la musique.
Etiez-vous programmé pour être musicien ?
N.F. : Pas du tout ! J’ai eu la chance d’avoir des parents qui m’ont aidé à faire les bons choix, ils voulaient juste que ça se passe de manière sécurisante, structurée : mon père a surveillé de près ma scolarité et ça a été payant. Et puis mon premier prof de trompette, Roger Blanc, était très ouvert, ce qui est rare dans les conservatoires… Il nous faisait jouer avec lui dans les bals. Evidemment le solfège était rébarbatif, de la vieille école, mais tout le reste me procurait du plaisir. Le yin et le yang !
Transmettez-vous la musique à votre fils ?
N.F. : Il a deux ans et a une petite batterie et un piano ! Il fera de la musique s’il le veut. J’aimerais surtout qu’on joue ensemble un jour. J’ai hâte ! Parfois on fait de petites impros, je ne sais pas s’il comprend, mais je trouve ça génial comme rapport, comme les Ceccarelli qui font de la musique sur plusieurs générations ! Mon fils me permet de me concentrer sur les choses essentielles. Je travaille moins et mieux. C’est surtout le regard sur la société qui change avec un enfant. Et cela influence la musique.
Propos recueillis par Vanessa Fara et Jean-Luc Caradec
Nicolas Folmer en 5 dates :
1986. Rencontre avec François Jeanneau, directeur de l’Orchestre National de Jazz. Première expérience en jazz.
1992. Il découvre Wynton Marsalis en concert. Douze ans plus tard, il jouera avec lui au festival de Marciac.
1996. Il vit un mois sur l’île de La Réunion et découvre là-bas une nouvelle philosophie et une nouvelle culture.
2004. Début de sa carrière solo avec le disque I Comme Icare (Cristal Records) pour lequel il recevra le Django d’Or du « nouveau talent ».
2012. Naissance de son fils.