La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -191-sceaux

BENOIT HALLER

BENOIT HALLER - Critique sortie Classique / Opéra

Publié le 10 octobre 2011

NATIVITÉS BAROQUES : LA MUSIQUE SACRÉE, UNE REPRÉSENTATION INTÉRIEURE

APRES Y AVOIR PRESENTE DEUX GRANDES ŒUVRES DE BACH (LA PASSION SELON SAINT MATTHIEU EN 2009, PUIS L’ORATORIO DE NOËL L’AN DERNIER), LA CHAPELLE RHENANE, DIRIGEE PAR BENOIT HALLER, POURSUIT SA RESIDENCE A SCEAUX AVEC UN PROGRAMME REUNISSANT DEUX VISIONS DE LA NATIVITE A L’EPOQUE BAROQUE : LA PASTORALE SUR LA NAISSANCE DE NOTRE SEIGNEUR JESUS CHRIST (1684) DE MARC-ANTOINE CHARPENTIER ET L’HISTOIRE DE LA NATIVITE (1664) DE HEINRICH SCHÜTZ.

« La musique issue de ces histoires sacrées doit d’abord résonner au fond de nous-mêmes, d’une manière aussi diverse que possible. » Benoît Haller

Le programme donné à Sceaux associe Schütz et à Charpentier. Pourquoi ce rapprochement ?
Benoît Haller : C’est bien sûr le thème de la Nativité qui unit ces deux œuvres, mais j’y vois aussi une certaine complémentarité. La Chapelle rhénane étant avant tout un ensemble franco-allemand, il était assez symbolique d’associer un compositeur allemand et un compositeur français, qui ont écrit sur le même thème, mais de façon très différente. Il y a chez Schütz une approche très protestante, et en même temps italienne puisqu’il s’inspire de Monteverdi et Gabrieli. Chez Charpentier, l’inspiration est aussi italienne, puisqu’elle vient des histoires bibliques de Carissimi, mais son œuvre joue davantage sur l’intimité, en mettant en scène la Nativité telle que les bergers ont pu la 
percevoir.

Ce sont donc deux narrations différentes ?
B. H. : Ce sont deux styles, deux approches différentes : l’œuvre de Schütz est fondamentalement biblique, proche du texte, qui se réfère strictement au texte de la Bible ; celle de Charpentier est poétique, plus libre, plus théâtrale aussi.

Comment abordez-vous l’interprétation de ces œuvres religieuses dans le contexte profane d’une salle de théâtre ?
B. H. : Évidemment, ce n’est pas le lieu pour lequel ces œuvres ont été composées. Ceci dit, ce genre de compromis ne me gêne absolument pas. Il faut pouvoir s’adapter, tenir compte du lieu, de son acoustique, qui à Sceaux est très bonne mais relativement sèche. C’est très bien pour les piano, souvent difficiles à entendre dans une église, mais en revanche tout est un peu « nivelé » et il ne faut donc pas hésiter à accentuer les contrastes. De fait, l’interprétation est différente, mais, de toute façon, le but ultime de notre travail est de faire en sorte que, quels que soient le lieu, l’œuvre ou le contexte, le public puisse être touché, ému et avancer sur le chemin de sa connaissance, de sa perception du monde et de sa propre humanité.

Ne pourrait-on pas aller plus loin et mettre en scène ces œuvres ?
B. H. : On peut toujours imaginer une représentation scénique d’un programme sacré. Pourtant, je pense que ce qui fait l’intérêt de la musique sacrée – et de son aspect théâtral – tient au fait qu’il s’agit d’abord d’une représentation intérieure. C’est comme pour la Bible, chacun en a sa lecture personnelle, qui ne devrait pas être imposée par un pasteur, un prêtre ou même le pape, mais être entendue telle qu’elle résonne au fond de notre âme. De la même manière, la musique issue de ces histoires sacrées doit d’abord résonner au fond de nous-mêmes, d’une manière aussi diverse que possible. Mettre en scène, ce serait risquer de réduire l’œuvre à une perception subjective. On y perdrait en universalité.

Propos recueillis par Jean-Guillaume Lebrun


Vendredi 4 et samedi 5 novembre à 20h45,
dimanche 6 novembre à 17h.

A propos de l'événement



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