Faustin Linyekula en Avignon
Faustin Linyekula attrape les ombres du passé à bras le corps
Faustin Linyekula attrape les ombres du passé à bras le corps
Le danseur-chorégraphe congolais présente Dinozord : The Dialogue Series III et Le Festival des mensonges. Deux pièces qui témoignent au présent des troubles de la mémoire.
C’était à l’orée des années 90, à Kisangani, en République Démocratique du Congo. Ils s’appelaient Kabako, Vumi, Aimé, Jean-Paul, Akim, Faustin Linyekula. Ils se cherchaient et rêvaient de changer la littérature et le théâtre africains. Qu’est-il advenu de leurs espoirs adolescents ? Où la route accidentée des hasards de la vie les a-t-elle menés ? Devenu danseur-chorégraphe, Faustin Linyekula a bourlingué en Afrique et en Europe, multiplié les expériences, avant de revenir en 2001 s’établir à Kinshasa où il a fondé les studios Kabako, laboratoire de formation et d’échanges, de recherche et de création pour la danse et le théâtre visuel. Et les autres, ses compagnons d’ambitions ? Créé lors du New Crowned Hope, le festival Mozart de Peter Sellars à Vienne, Dinozord : The Dialogue Series III part sur leurs traces, à Kisangani, en quête d’une mémoire trouée par la guerre, de souvenirs rapiécés au quotidien, afin d’ouvrir un autre chemin.
Relier le vécu individuel et l’Histoire collective
« Je suis avant tout un raconteur d’histoires. C’est la forme juste qui m’intéresse. » aime à dire cet artiste vagabond. Se glissant dans les mots du narrateur, il mêle aux effluves du Requiem de Mozart, le chant, la danse et des images glanées dans sa ville natale, pour raconter les éclats d’enfance plantés dans la chair du présent, pour faire résonner ces bribes de vécu avec l’Histoire collective, celle avec la « grande hache » comme disait Perec. Avec Le Festival des mensonges, Faustin Linyekula attrape à bras le corps le passé de la RDC – ex-Zaïre, ex-Congo belge et ex-Etat Indépendant du Congo. Inspiré d’un roman de Luis Sepúlveda, ce concours de mensonges démonte les annales officielles, celles des « vainqueurs », dans l’ambiance électrique d’un bar de nuit : une veillée chorégraphie bordélique, épineuse, cousue de bric et de broc, à bout de nerfs… à l’image de la réalité.