Entretien avec Laurent Gutmann
Conversations franco-japonaises autour d’un enterrement.
Après les Nouvelles du Plateau S, Laurent Gutmann monte Chants
d’adieu de Oriza Hirata, une pièce écrite à son intention, réunissant
Japonais et Français. Deux familles, l’une française et l’autre japonaise, se
rencontrent au Japon pour organiser les funérailles de Marie décédée
brutalement. Même si la souffrance du deuil est universelle, elle ne fait que
différer selon les cultures.
Avec Chants d’adieu, vous restez fidèle au théâtre d’Oriza Hirata.
Laurent Gutmann : Après avoir vu la mise en scène de Nouvelles du
Plateau S., Oriza Hirata m’a proposé d’écrire une pièce qui réunirait sur le
plateau des acteurs français et des acteurs japonais, un spectacle en deux
langues. C’est une expérience déjà menée, un système qu’Hirata a déjà éprouvé
avec des acteurs japonais et des acteurs coréens. Au bout de huit mois, Hirata
s’est présenté avec trois canevas d’intrigues : j’ai choisi celle qui tournait
autour d’un enterrement. Des figures de deuil qui retrouvent une souffrance
commune à partager tout en expérimentant des différences culturelles
incontournables, avec des effets d’humour et de drôlerie. Hirata est reparti
réécrire la pièce, ce qui a nécessité plus de temps que prévu. Il a réalisé cet
exploit d’épouser le point de vue de Français étonnés par le Japon.
Quelle est l’histoire de Chants d’adieu ?
L. G. : Une Française de trente-sept ans, remariée au Japon, mère d’un
petit garçon, meurt brutalement d’un cancer. C’est la veillée funéraire, on
organise la cérémonie des funérailles pour le lendemain. L’intrigue est ténue,
il ne se passe absolument rien, si ce n?est l’arrivée du premier mari.
« Les spectateurs vivent la même étrangeté de la situation au quotidien des
personnages français de la pièce. »
Les pompes funèbres sont là, et tout est sujet à friction car les Japonais
veulent tout organiser. Une atmosphère singulière se détache de cette façon de
vivre où l’on ne parle pas des choses essentielles mais des choses secondaires.
La morte est rarement le sujet de la conversation même si elle reste présente.
Il s’agit de creuser sous la surface apparemment calme des comportements pour en
extraire un peu de vérité. La distribution comporte trois Japonais qui parlent
japonais et français, et cinq Français qui parlent français. Un spectacle sans
sur-titrage.
L’intrigue de cette aventure est forcément singulière.
L. G. : Paradoxalement, le spectacle suscite le rire. Assistant à un
spectacle sur la mort au Japon, le public ne s’attend pas forcément à rire. Or,
les spectateurs vivent la même étrangeté de la situation au quotidien des
personnages français de la pièce, leur gaucherie. Les silhouettes françaises
sont surdimensionnées par rapport aux silhouettes japonaises : on se cogne aux
meubles et on ne s’assoie pas naturellement parterre. La représentation repose
sur une immédiateté évidente qui plaît tant aux spectateurs familiers du théâtre
qu’à ceux qui n?y vont jamais. Une prouesse.
Propos recueillis par Véronique Hotte
Chants d’adieu
D’Oriza Hirata, mise en scène de Laurent Gutmann, lundi, mardi, mercredi,
vendredi 20h30, jeudi, samedi 19h, dimanche 15h, du 23 mai au 17 juin 2007 au
Théâtre de l’Est Parisien 159, avenue Gambetta 75020 PARIS Tél : 01 43 64 80 80
www.theatre-estparisien.net