Dedans Dehors
Sexe, drogue et rock and roll… Dennis Cooper [...]
Claude Perron crée le texte que Fabrice Melquiot a écrit pour elle. Dirigée par Paul Desveaux, elle interprète ce monologue d’une comédienne au bord de la crise de nerfs avec un joli talent.
Cathy Moulin a tout compris des vertus élégantes de l’humour : « grand et vrai savoir des choses de ce monde » mâtiné de gaité, comme disait Musset revenant du Français : « lorsqu’on vient d’en rire, on devrait en pleurer ! » Elle a fait son métier de son art de la saillie et de la satire. Mais sa vie est moins désopilante que le roman qu’elle en fait, dans cette longue logorrhée délirante, sorte de psychanalyse à coups de marteau, où l’autre est incarné, tour à tour, par Rico, son fils, aplati sur le canapé, par son agent, par sa sœur, et par un amant de passage. Manque à Cathy Moulin la seule altérité qui la consolerait peut-être vraiment : celle d’un public plus ardent que les vieillards cacochymes des maisons de retraite où elle cachetonne. Pour le reste, elle se débrouille tant bien que mal, empêtrée dans les injonctions contradictoires dont elle abreuve ceux qui l’entourent, et obnubilée par un hypothétique voyage aux Galapagos en compagnie de son lamantin de fiston, cador en philosophie et bisexuel en quête de moitié…
Toutes les femmes
La pièce constitue un épineux défi, que Claude Perron relève avec panache : dépasser les pièges du jeu de miroir, et ne pas sombrer corps et âme dans la mise en abyme ! Le texte de Fabrice Melquiot serait cruel et suicidaire pour qui n’aurait pas le talent d’interpréter cette comédienne en chute libre. Mais Claude Perron, quarantaine fringante et chaussures à ressorts aux pieds, investit son personnage avec un art aguerri, évitant l’autodérision et l’identification. Elle est et n’est pas Cathy Moulin. Elle manifeste une évidente joie à jouer cette figure, incarnation de l’angoisse de toutes les actrices, et donne une belle épaisseur à cette sacrée bonne femme, parfaitement insupportable et complètement attachante. Car, si Fabrice Melquiot égratigne le narcissisme exacerbé et l’insatiable désir de consolation de celles qui vivent sur scène et agonisent loin des feux de la rampe, il sait aussi brosser un portrait juste, acide et tendre de l’ultramoderne solitude d’une fille mère et femme-enfant, qui ressemble à toutes celles qui regrettent et rejettent à la fois le mâle. L’interprétation de Claude Perron, fine et intelligente, tient en haleine, et force autant la sympathie pour son héroïne que l’admiration pour son talent. Dommage que la mise en scène l’empêtre d’un Rico qui alourdit son jeu, et que Solal Forte ne parvienne pas encore à se montrer aussi drôle que sa mère.
Catherine Robert
Sexe, drogue et rock and roll… Dennis Cooper [...]