Christian Hecq et Valérie Lesort présentent « Les Sœurs Hilton », une immersion dans le monde du cirque, du cabaret et des monstres de foire…

Votre univers théâtral se fondait jusque-là sur l’adaptation de textes existants : 20 000 lieues sous les mers, Le Voyage de Gulliver, La Mouche (adaptation d’une nouvelle de George Langelaan). Les Sœurs Hilton déroge à cette habitude. Pourquoi ?

Christian Hecq et Valérie Lesort : L’idée de ce spectacle vient de ma rencontre avec la comédienne Céline Milliat-Baumgartner pour la mise en scène de sa pièce Marylin, ma grand-mère et moi. Les gens que nous croisions ensemble se disaient souvent frappés par notre ressemblance. Fascinée depuis très longtemps par le film Freaks de Tod Browning (1932) et par les monstres en général – il y en a dans chacun des spectacles que nous créons avec Christian –, l’idée m’est venue de faire un spectacle sur des sœurs siamoises. Les sœurs Hilton, qui ont joué dans ce film, me sont apparues comme un sujet passionnant. J’ai alors écrit un texte racontant leur vie.

Dans quelle mesure avez-vous pu avoir accès à la réalité de ces sœurs nées en 1908 ?

Christian Hecq et Valérie Lesort : Il existe assez peu de sources, ce qui ne nous a pas dérangés dans la mesure où notre théâtre est très visuel. Dans le parcours que raconte Les Sœurs Hilton, depuis leur naissance jusqu’à leur mort, il y a toutefois beaucoup de choses vraies : leur succès qui leur fait parcourir le monde, leur amitié avec le magicien Houdini, ou encore leur lente chute à partir de l’arrivée du cinéma parlant dans les années 1930. Mais toutes les lacunes laissées par l’Histoire nous ont permis de créer très librement.

« Les lacunes laissées par l’Histoire nous ont permis de créer très librement. » 

Votre sujet vous a-t-il menés vers des explorations techniques nouvelles pour vous ?

C.H. et V.L. : Le spectacle alternant entre des scènes de vie des sœurs Hilton et des scènes de cabaret, nous avons par exemple dû passer un cran au-dessus en matière de changement de costumes ! Nous faisons aussi appel à des techniques de magie, grâce à plusieurs collaborateurs de Yann Frisch, qui est interprète dans la pièce. Il joue l’un des deux garçons de piste : avec Christian, il réalise des numéros dans les moments de cirque et incarne des personnages de la vie des siamoises dans les tableaux plus intimes.

Quel regard portez-vous sur vos protagonistes, et sur le milieu des monstres de foire où elles évoluent ?

C.H. et V.L. : Nous souhaitons poser la question du statut de ces êtres d’exception, montrant à la fois le rejet dont ils sont victimes et la famille qu’ils trouvaient dans les foires. Une famille qui a ses violences, qui est prompte au rejet dès que ses membres vieillissent et ne rapportent plus assez, mais qui tout de même les protège de l’extérieur. Ponctué de numéros musicaux, de danse, riche en effet visuels et magiques, le spectacle oscille entre rire et larmes. Il célèbre aussi le grand savoir-faire de tous nos collaborateurs historiques et plus récents, avec qui nous avons eu un grand bonheur à travailler, bonheur que nous espérons communicatif.

Propos recueillis par Anaïs Heluin