Avec « Le mage du Kremlin » Roland Auzet nous mène poétiquement dans les arcanes, dans la métaphysique du pouvoir
La Scala Paris / Texte d’après Giuliano da Empoli / Mise en scène de Roland Auzet
Publié le 28 août 2024 - N° 324Avec son adaptation de la fresque romanesque à succès Le mage du Kremlin de Giuliano da Empoli, Roland Auzet nous mène poétiquement dans les arcanes, dans la métaphysique du pouvoir.
Écrit avant le début de la guerre en Ukraine, Le mage du Kremlin (Éditions Gallimard, 2022), est apparu pour beaucoup comme une explication de la situation géopolitique actuelle. De votre côté, pourquoi ce désir d’adaptation du roman ?
Roland Auzet : Cela s’inscrit pour moi à la suite de mes créations Nous l’Europe, banquet des peuples (2019) que j’ai écrit en collaboration avec Laurent Gaudé et Après la mélancolie (2022) d’après le poète chinois Luo Ying, où je m’intéresse à notre histoire contemporaine en choisissant des écritures fortes. Car souvent la parole des poètes est confisquée au profit de la seule voix médiatique pour ce qui est du regard sur le monde d’aujourd’hui, et je suis persuadé que c’est un grand manque, qu’il faut défendre leur point de vue. C’est ce que j’ai voulu faire avec mon adaptation du Mage du Kremlin, réalisée en collaboration avec l’auteur dont la rencontre a été pour moi déterminante.
En quoi cette grande fresque centrée autour de la figure de Vadim Baranov – seul personnage de fiction du livre, mais inspiré par un homme réel, Vladislav Sourkov qui fut l’homme de l’ombre de Vladimir Poutine – vous est-elle apparue comme pouvant faire théâtre ?
R.A. : La liberté d’adaptation qu’offre le roman, et que m’a permise l’auteur, m’a beaucoup stimulé. J’ai structuré le spectacle en trois grandes époques, en trois tableaux qui composent ce que j’appelle une « dramaturgie de saut » : on passe d’aujourd’hui à un flash-back, avant de revenir au présent pour analyser les conséquences du passé. Ce qui donne au spectateur la possibilité d’entrer vraiment dans l’espace-temps.
« Le mage du Kremlin appelle pour moi un corps-à-corps avec les mots. »
Quel type de jeu souhaitez-vous que défende votre belle distribution, où cohabitent des artistes de générations différentes ?
R.A. : Le mage du Kremlin appelle pour moi un corps-à-corps avec les mots, ce que j’ai pu observer chez beaucoup d’acteurs russes lorsque le théâtre m’a mené dans ce pays. Chez les comédiens d’une soixantaine d’années qui jouent les tableaux actuels – Hervé Pierre, Philippe Girard, Karina Beuthe-Orr – aussi bien que chez les plus jeunes – Stanislas Roquette, Claire Sermonne, Andranic Manet, Jean Alibert, Irène Ranson Terestchenko –, je recherche cette capacité à exprimer le fracas.
En quoi les arcanes du pouvoir russe que décrit le roman peuvent-ils selon vous toucher un public français ?
R.A. : Si Giuliano da Empoli écrit sur le pouvoir russe, c’est d’après moi pour traiter de la métaphysique du pouvoir davantage que d’un contexte géopolitique particulier. C’est pourquoi il me semble si intéressant de le lire et de le monter. On peut y voir la Russie comme le laboratoire de ce qui nous attend peut-être…
Propos recueillis par Anaïs Heluin
A propos de l'événement
Le mage du Kremlindu mercredi 4 septembre 2024 au dimanche 3 novembre 2024
La Scala Paris
13 boulevard de Strasbourg, 75010 Paris
à 17h ou 21h. Durée : 1h40. Tel : 01 40 03 44 30. https://lascala-paris.fr