La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

X, d’Alistair McDowall, mise en scène du collectif OS’O

X, d’Alistair McDowall, mise en scène du collectif OS’O - Critique sortie Théâtre Bordeaux TNBA - Théâtre National de Bordeaux en Aquitaine
X du collectif OS'O créé au Quartz de Brest. © Alain Monot

texte de Alistair McDowall / mes collectif OS'O

Publié le 2 octobre 2020 - N° 287

Le collectif OS’O nous propulse dans une capsule spatiale où s’éteint notre humanité. Une fable noire désespérément belle.

Un mélange de Kubrick et de Beckett sur fond de désastre écologique. Le nouveau spectacle du collectif OS’O (On S’Organise) mélange film interstellaire et réflexion sur la condition d’une humanité déclinante. Le texte, d’un jeune dramaturge anglais, Alistair McDowall, a été créé en 2016 en Grande-Bretagne mais résonne d’une manière encore plus particulière en ces temps de réclusion. En effet, les membres d’un groupe d’astronautes parti du côté de Pluton, au fin fond de notre univers, attendent qu’on les ramène sur Terre. Confinés dans leur station spatiale, ils guettent les secours par la fenêtre comme on attend Godot, de plus en plus désespérément. En attendant, ils mangent des plats sous vide, boivent des liquides aux couleurs chimiques et, quand ils n’accomplissent pas leurs tâches professionnelles – encadrement, maintenance, études scientifiques – vaquent à leurs lubies personnelles, entre porno, jeux de société et équations mathématiques. Démarrant comme une odyssée de l’espace qui tourne mal, le spectacle vire peu à peu au fantastique à coups de présences étranges et de dérèglements du temps puis se mue en une véritable métaphore, celle d’une humanité qui se perd. « Je suis là, je suis là. » ânonne l’ultime personnage. Puis vient le noir. C’est noir. Il y a peu d’espoir.

Fantastique et ordinaire à la fois

Avant le départ, sur Terre, il n’y avait déjà plus d’arbre, ni d’Amérique du Sud. Et tous les oiseaux étaient tombés, morts. Les réseaux de  communication de la station fonctionnent toujours mais les appels vers la base restent désormais sans réponse. Dans ce contexte aux teintes apocalyptiques, les astronautes vivent pourtant comme  on vit dans nos sociétés, dans une sorte de normalité lisse – où chacun accomplit sa tâche – presque indifférente au désastre en cours. L’angoisse va toutefois peu à peu prendre sa place dans la capsule spatiale très joliment dessinée par Hélène Jourdan. La scénographe en délivre une  version au réalisme cinématographique – paroi vitrée, sas de décompression et autres diodes multicolores – à mi-chemin entre station orbitale et cuisine domestique moderne. L’immersion  du spectateur s’accomplit parfaitement grâce à un travail hautement efficace des sons et lumières.  Autour de la capsule, omniprésent, l’univers, d’un noir absolu, d’où l’on espère voir venir la lumière, aspire irrésistiblement l’équipage vers le néant. Dans le ronronnement des machines et les échos sifflants du vent interstellaire, les cinq comédiennes et comédiens du collectif OS’O – si jeunes, beaux et bons qu’on n’a vraiment pas envie de voir leurs personnages mourir – ont conçu, dans la traduction de Vanasay Khamphommala et sous sa direction dramaturgique, un spectacle étrange, qui démarre comme un puzzle à suspens et bascule en son mitan dans un registre plus organique et débridé. C’est étonnant, flottant, comme en apesanteur, fantastique et ordinaire à la fois, cinématographique et théâtral. C’est hypnotisant et désespérant. C’est le spectacle de notre humanité qui se demande qui elle est. A la dérive. Que rien ne vient arrêter.

Eric Demey

A propos de l'événement

X d’Alistair McDowall, mise en scène du collectif OS'O
du mardi 3 novembre 2020 au samedi 14 novembre 2020
TNBA - Théâtre National de Bordeaux en Aquitaine
3 Place Pierre Renaudel, 33800 Bordeaux

le 17 novembre à Saintes, le 8 décembre à Bellac, le 11 décembre à Châtillon, du 12 au 21 janvier au Centquatre à Paris. Puis à Aubusson, Saint-Brieuc, Saint-André de Cubzac, Bruges et du 25 au 29 mai au Théâtre de la Cité à Toulouse.

Spectacle vu au Quartz de Brest. Durée : 2h.

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