La Terrasse

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Théâtre - Critique

Une saison en enfer / Illuminations

Une saison en enfer / Illuminations - Critique sortie Théâtre
Crédit visuel : Alain Fonteray Légende du visuel : Nâzim Boudjenah s’approprie avec emphase la poésie de Rimbaud.

Publié le 10 février 2008

Le comédien Nâzim Boudjenah se met en scène dans Une saison en enfer et Illuminations. Deux spectacles qu’il interprète en alternance, incarnant les hyperboles d’un « dialogue inconscient entre [sa] “voie” et l’œuvre de Rimbaud ».

La chose semble lui tenir particulièrement à cœur, sans doute trop à cœur. « J’ai rencontré ce texte au printemps 1999 », explique le comédien à propos d’Une saison en enfer. « J’en ai d’abord présenté une première mise en forme (…) en dernière année de conservatoire. Puis l’œuvre se déposa en moi et y eut comme une vie propre, influençant ou se nourrissant d’une pièce ou d’un film dans lequel j’étais engagé, ou d’une étape de vie : il m’est arrivé de dire le poème dans le désert du Sahara ». A voir et entendre Nâzim Boudjenah déclamer d’une voix caverneuse ou chevrotante, grimacer, hurler à pleine gorge, rouler des yeux ou les fermer ostensiblement, se jeter contre les murs, ramper et se rouler par terre, jouer les possédés en fabriquant des regards exorbités…, on en vient à se demander s’il a vraiment pris conscience qu’il n’était plus au milieu d’une immensité dépeuplée, mais bien dans l’une des minuscules caves voûtées de la Maison de la Poésie, à quelques mètres de trois rangées de spectateurs. Car comment expliquer une telle surenchère de lyrisme, une telle naïveté dans l’expressionnisme associé à l’œuvre de Rimbaud, un tel manque de discernement dans son incarnation… ?
 
Entre lyrisme et naïveté
 
Peut-être, justement, en envisageant la trop profonde intimité qui le lie à cette écriture. Une intimité qui a pu inciter Nâzim Boudjenah à s’engager dans cette double proposition sans préalablement interroger la nature du geste artistique capable de faire entendre, ressentir, apprécier, l’éclat de la poésie rimbaldienne. Tel un chien fou, un adolescent romantique et écorché, il s’élance dans ces deux recueils, sans doute avec beaucoup de sincérité, mais aussi une étonnante maladresse. Une maladresse qui prend toute son ampleur lors d’Une saison en enfer, la mise en jeu d’Illuminations apparaissant à certains égards un peu plus dépouillée, un peu moins outrancièrement baroque. Pourtant, cet apaisement très relatif est loin d’assurer une quelconque réussite. Tout comme dans le premier spectacle, les élans trop bouillonnants du comédien, ses afféteries, le manque de raffinement de son univers parasitent le rapport qui devrait s’établir entre les spectateurs et Rimbaud. S’interposant ainsi entre le public et le poète, Nâzim Boudjenah prend le risque de ne susciter qu’ennui, ou pire, qu’agacement.
 
Manuel Piolat Soleymat


Une saison en enfer / Illuminations, d’Arthur Rimbaud ; mise en scène et jeu de Nâzim Boudjenah. Spectacles en alternance du 10 janvier au 2 mars 2008. Du mercredi au samedi à 21h00, le dimanche à 17h00. Maison de la Poésie, passage Molière, 157, rue Saint-Martin, 75003 Paris. Renseignements et réservations au 01 44 54 53 00 et sur www.maisondelapoesieparis.com

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