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Avignon / 2024 - Entretien / Mariano Pensotti

« Une ombre vorace » de l’Argentin Mariano Pensotti, récits alpinisme

« Une ombre vorace » de l’Argentin Mariano Pensotti, récits alpinisme - Critique sortie Avignon / 2024 Avignon
© Catalina Bartolome Mariano Pensotti, créateur du spectacle itinérant de

Spectacle itinérant / Texte et mise en scène de Mariano Pensotti

Publié le 2 juin 2024 - N° 323

Pour la création itinérante qui lui est confiée, l’Argentin Mariano Pensotti se lance dans l’alpinisme. Mêlant le récit de Jean Vidal, qui fit l’ascension de l’Annapurna au Népal, et celui de l’acteur Michel Roux choisi pour jouer son rôle dans un film, le théâtre va à la rencontre de tous. Entre fiction et réalité.

Que représentent pour vous les créations itinérantes du Festival d’Avignon ? Et quel sens souhaitez-vous donner à la vôtre ?

Mariano Pensotti : Une des choses qui nous intéressent dans ces créations itinérantes avec ma compagnie Grupo Marea, c’est de pouvoir atteindre un public autre que celui du reste du Festival. Nous souhaitons toucher une audience diverse sans renoncer à la complexité de nôtre théâtre et de nos récits. Car nous sommes certains qu’un public est toujours beaucoup plus complexe que le présument les artistes. Notre groupe, comme moi personnellement, a grandi au sein de la périphérie ouvrière de Buenos Aires, qui est elle-même une ville en marge des centres mondiaux du pouvoir. Avoir l’opportunité de faire dialoguer notre travail avec un public qui a priori n’est pas celui de la classe moyenne urbaine des grandes villes est donc pour nous à la fois familier et stimulant.

En parallèle de vos créations pour la scène, vous avez l’habitude de créer des performances in situ. Une ombre vorace s’apparente-t-elle pour vous à ce versant de votre activité ?

M.P. : Cette pièce nous sort de nos pratiques et nous passionne pour cela car il ne s’agit pas d’une création in situ au sens traditionnel du terme, mais d’une forme qui doit être conçue pour pouvoir entrer en dialogue avec différents contextes. Elle doit aussi pouvoir être montée et démontée très rapidement. Cette façon de faire du théâtre nomade nous rappelle – et c’est une chose qui nourrit beaucoup notre démarche – certaines aventures du théâtre expérimental des années 1970-1980 que nous admirons. C’est aussi la première fois que nous travaillons avec deux acteurs francophones, ce qui est pour nous un défi qui résonne avec la pièce où il est question d’un alpiniste tentant d’atteindre un sommet compliqué et à qui arrive alors une chose inattendue.

« Le temps semble défaire les mythes que fondent autour d’elles les familles. »

L’alpiniste dont vous parlez est Jean Vidal, alpiniste qui à la fin de sa carrière décide de gravir l’Annapurna au Népal sur les traces de son père disparu des années auparavant lors de cette même ascension. Vous mêlez son récit à celui de l’acteur Michel Roux à qui le rôle de Vidal a été confié dans un film. Or les acteurs les interprètent et portent aussi leur propre parole…

M.P. : Une ombre vorace est une sorte de « théâtre documentaire fictionnel », où les choses présentées comme vraies sont inspirées par la réalité mais sont en fait presque entièrement fictionnelles. De même que dans L’Ascension du Mont Ventoux (1336) de Pétrarque, considéré comme le père de l’alpinisme mais qui n’a jamais réalisé l’expédition qu’il décrit. Ce livre nous a beaucoup inspirés, notamment du fait de la proximité du Mont Ventoux avec Avignon. Notre spectacle porte sur le contraste entre un « vrai » alpiniste et l’acteur qui le joue dans un film. Comment la fiction raconte, reconstruit la réalité ? Le fait que deux acteurs professionnels portent la pièce crée une sorte de fiction dans la fiction qui selon nous élargit les possibilités de l’interprétation.

Quel sens a pour vous le fait d’aborder la relation de l’homme à la montagne en période de catastrophe écologique ?

M.P. : Le thème du désastre écologique est présent mais guère central dans la pièce. Une ombre vorace est l’histoire de pères et de fils, de pères manquants que leurs enfants idéalisent et de pères présents méprisés par leurs enfants. Tout comme le changement climatique fait fondre la glace du monde, le temps semble défaire les mythes que fondent autour d’elles les familles. Gravir une montagne a toujours été davantage qu’une prouesse physique : la métaphore d’un changement de point de vue, d’une observation qui va plus loin. Inévitablement, le capitalisme a transformé l’alpinisme en autre chose : un tourisme prédateur et compétitif, où il est commun de laisser le faible mourir en chemin.

Propos recueillis par Anaïs Heluin

A propos de l'événement

Une ombre vorace
du mardi 2 juillet 2024 au samedi 20 juillet 2024


à 20h, sauf les 13, 16 et 17 à 19h. Relâche les 7 et 14 juillet. Tel : 04 90 14 14 14. Durée : 1h15.

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