Je suis un metteur en scène japonais
Fanny de Chaillé mêle ses fantasmes sur le [...]
Guidés par Roland Auzet, Hervé Pierre et Pascal Duquenne libèrent la poésie de Christophe Tarkos à pleine puissance.
Les mots cognent, encore et encore, se dévorent en ritournelles insensées, maraudent ici une chose, là une incantation, plus loin une expression, à force d’errer dans le grouillis du monde. Et cognent encore, espiègles et gloutons, jusqu’à débonder la langue. Ressassées, précipitées, les phrases s’enivrent des rythmes, se rassasient de sons, s’emportent et siphonnent le sens qu’emballe leur mécanique. Poète factieux, Christophe Tarkos (1963-2004) s’attaque au langage dans sa matérialité et en sabote sensiblement les logiques, frotte au sang signifiés et signifiants, rompt la communication à coups de tautologies remâchées, de répétitions obsessionnelles et de coq-à-l’âne. Ou plutôt fait sauter les règles, séides d’un ordre qui serre dans son étau la liberté d’être, frêle et vorace. Il disait, « ça ne peut plus durer comme ça. Il y a quelque chose qui ne va pas. Dans l’utilisation faite du mot poésie, dans l’utilisation qui est faite du mot. (…) La pensée créatrice, la beauté verbale sont réduites à des frivolités municipales, à des claquements de mains, s’engluent dans la bande sonore du championnat américain de basket, dans le chuchotement de phonèmes murmurés, ça tourne, ça peut tourner longtemps, occupe, occupe le terrain, lissé, bruisse, chauffe. ». Disait-il.
Subversion poétique
Compositeur et metteur en scène, qui souvent unit en scène littérature et partition, Roland Auzet a entendu la musique singulière de Tarkos qu’il a glané par extraits parmi ses poèmes, pour composer un cheminement intérieur qui mène au cœur de l’être. Dans un espace scindé en deux, entre le noir et le blanc, Hervé Pierre, acteur de la Comédie-Française, et Pascal Duquenne, comédien trisomique, libèrent cette poésie à pleine puissance. L’un manie la langue en virtuose, en caresse les variations, en rumine les inflexions, leste le sens par la concrétude du verbe. Face à lui, Pascal Duquenne impose son être différent et questionne la logorrhée par sa présence, il dessine, peint, ouvre des échappées belles… Tous deux composent avec une parfaite justesse les deux voix du monologue intérieur d’un homme aux prises avec lui-même, aux prises avec les échos d’un réel en fuite.
Gwénola David
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