La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Tchekhov, 137 évanouissements, mise en scène Christian Benedetti

Tchekhov, 137 évanouissements, mise en scène Christian Benedetti - Critique sortie Théâtre Alfortville Théâtre-Studio d’Alfortville
Christian Benedetti

Théâtre-Studio d'Alfortville

Publié le 21 février 2022 - N° 297

Quarante ans après l’avoir rencontré, Christian Benedetti continue avec une troupe d’élite  d’explorer l’œuvre de Tchekhov de jour en jour, de soir en soir, de pièce en pièce…  Il propose de découvrir six grandes pièces et neuf pièces en un acte du maître. Une œuvre théâtrale marquante*.

Quelle est l’histoire de votre relation avec Tchekhov ?

Christian Benedetti : Elle a commencé au Conservatoire et c’est Antoine Vitez qui fit les présentations en me conseillant de travailler le rôle de Treplev ; puis j’ai choisi de mettre en scène La Mouette en troisième année. Avec l’espoir et l’énergie mais aussi l’arrogance terrible d’un jeune homme de vingt ans, j’étais persuadé de m’en emparer comme Tchekhov l’aurait montée. Vitez, qui m’avait fait l’amitié d’assister à une représentation, me dit : « C’est le plus bel acte 3 que j’ai jamais vu. » À l’époque, je respectais déjà les pauses. L’idée ne venait pas de moi : elles étaient indiquées par Tchekhov. Sans pouvoir la verbaliser, j’avais l’intuition qu’il mêlait temps dramaturgique et temps réel. Autre intuition confirmée au fil du temps : un espace scénographique allusif. J’avais d’abord eu l’idée d’un décor de toiles peintes. Erreur ! Le théâtre de Tchekhov est le contraire de l’illusion. Antoine Vitez, découvrant la répétition dans le décor inachevé et les seuls châssis, trouva cela magnifique ! Je n’ai pas osé lui dire que ce n’était pas fini ! Aujourd’hui, cela me semble évident, à l’époque, je commençais seulement à le comprendre : c’est ce « pas fini », cet inachevé qui nous guide… Après le premier succès de cette mise en scène, j’ai eu l’idée de monter tout Tchekhov. J’avais réuni des acteurs insensés, mais cela ne s’est pas fait. Puis j’ai ouvert le Théâtre Studio d’Alfortville. J’ai rencontré Bond, qui reconnait Tchekhov comme un auteur absolu, et pendant quinze ans je n’ai mis en scène que des auteurs vivants. Après Piscine (pas d’eau) de Mark Ravenhill, je ne savais pas quoi faire. « Stop all art now », me dit Ravenhill, en me recommandant de réfléchir à cette phrase énigmatique, que je rapportais à Edward Bond qui ajouta : « go back home ! ». Or ma maison, c’est Tchekhov… J’ai donc repris La Mouette en décidant que ça serait mon dernier spectacle. Mais ça a marché très fort ! Les comédiens m’ont rappelé mon projet abandonné de tout monter, et moi, sentimental que je suis, j’ai dit oui !

 « Tchekhov demande au metteur en scène de ne pas faire le malin. »

Comment décrire le résultat ?

C.B. : C’est notre histoire, notre parcours à travers l’œuvre depuis sept ou huit ans, avec les comédiens présents depuis le début et ceux qui nous ont rejoints. Quarante acteurs ont participé à ce projet. Ça a laissé des traces et constitué des moments de vie. Cela raconte une humanité fraternelle et comment nous nous sommes aimés à travers ces rôles. Cela ne raconte pas les personnages mais les rôles et les structures de pensée. Je ne monte pas une pièce mais sa structure, un peu comme quand on fait visiter un appartement témoin : nous mettons à jour la structure mais le spectateur choisit la peinture et les meubles. C’est lui qui fantasme, pas nous ! Idem pour les costumes : pas besoin de déguisement : le spectateur habillent les acteurs comme il veut. Laissons au cinéma le soin de la reconstitution réaliste. Comme le disait Tchekhov : « au théâtre d’art, tous ces détails avec les accessoires distraient le spectateur, l’empêchent d’écouter ». Tchekhov demande au metteur en scène de s’effacer, de ne pas faire le malin. Pas de psychologie mais du sens pur, hors de l’illusion bourgeoise. Voilà pourquoi nous proposons une présentation plutôt qu’une représentation, une répétition au sens où on l’entend en italien : prova, un essai.

Propos recueillis par Catherine Robert

*Lire nos critiques Trois Sœurs, La Cerisaie, Ivanov.

A propos de l'événement

Tchekhov, 137 évanouissements
du mercredi 9 mars 2022 au dimanche 24 avril 2022
Théâtre-Studio d’Alfortville
16 rue Marcelin-Berthelot, 94140 Alfortville

Tél. : 01 43 76 86 56. www.theatre-studio.com  Dates et horaires sur www.tchekhov-137evanouissements.com

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