“Puisque c’est comme ça je vais faire un opéra toute seule” de Claire Diterzi : vivre la puissance émancipatrice de l’acte de création, quel que soit son genre
Puisque c’est comme ça je vais faire un opéra [...]
Avignon / 2024 - Entretien / Thymios Fountas
Inspiré par Baal, de Bertolt Brecht, Sauvez Bâtard nous transporte dans un monde qui existe à côté du nôtre. Signé par l’auteur et metteur en scène Thymios Fountas, cette fable tragi-comique a reçu le Grand prix des arts du spectacle décerné par l’Académie Royale de langue et de littérature française de Belgique.
Quel lien unit Sauvez Bâtard et Baal ?
Thymios Fountas : Sauvez Bâtard est une réécriture de Baal. Je distingue la réécriture d’une simple adaptation au goût du jour. C’est plutôt une sorte de réponse ou d’écho adressé à travers le temps. À l’époque, j’étais hanté par mes histoires d’amour passées. J’avais besoin de me défaire de cette figure du génie masculin, magnétique et prédateur à qui, parce qu’elle suscite l’admiration, on permet tant de violence. Au contraire du Baal tout puissant de Brecht, Bâtard vit dans un monde sans ciel. Il est vulnérable et exposé. Son désir brûlant est teinté d’une anxiété profonde. Il se sert de son talent comme d’une carapace.
Quelles parts le comique et le tragique occupent-elles dans votre spectacle ?
T.F. : Le ton de Sauvez Bâtard oscille entre noirceur romantique et humour grotesque. Je crois que nous sommes tous traversés par des sentiments pluriels et contradictoires, qui ne s’annulent pas forcément. Ici, l’inquiétude et la douleur de la perte d’un être cher ne sont pas vécues uniquement frontalement. Elles sont déjouées et détournées pour en flouter les contours et, malgré tout, tenter de vivre. La pièce s’ouvre sur un terrain vague et ses trois habitants : Clébard, Clochard et Cafard. Ce trio loufoque est censé juger Bâtard pour un meurtre dont ce dernier peine à se souvenir s’il l’a vraiment commis. Mais le cœur du récit, c’est l’histoire d’amour entre Bâtard et Ekart. Tous deux vivent dans ce même quartier-monde, mais ont opté pour des stratégies de survie différentes. Si Bâtard est marginal et solitaire, Ekart cristallise les attentes de son milieu : il est beau, viril et a un avenir professionnel grâce à ses cours d’anglais.
Comment pourriez-vous présenter votre écriture ?
T.F. : Pour cette pièce, j’ai cherché une écriture hybride et composite, avec différents niveaux de langage. Il en a résulté une langue chahutée, ultra-rythmique et sensuelle. C’est aussi une langue musicale faite de rimes, d’assonances et d’allitérations où parfois le plaisir du son prévaut sur le sens. Cette langue poétique et bizarre n’est pas parlée uniquement par Bâtard le poète. Elle traverse tous les personnages, renforçant leur appartenance à un même monde, juste à côté du nôtre.
Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat
à 20h30. Relâche les mardis. Tél : 04 90 14 07 99. Durée : 1h15.
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