Anne-Marie Lazarini porte à la scène L’Os à Moelle de Pierre Dac : une partition délicieusement revigorante
À l’Artistic Théâtre, Anne-Marie Lazarini a [...]
Tout commence par la chute du rideau pourpre, qui révèle Salluste comme un saint Jérôme au désert, ombrageux et colérique, privé de sa puissance pour avoir déplu au pouvoir. La vertueuse reine d’Espagne l’a disgracié pour avoir séduit une de ses suivantes et refusé de l’épouser. Las ! Dans le combat entre la morale et la politique, c’est toujours la seconde qui l’emporte. « La politique est une espèce d’opération non seulement qui permet, mais qui contraint à considérer les personnes morales comme des moyens », disait Péguy. Ruy Blas et la reine, trop honnêtes pour régner, en feront les frais. Le ver de terre amoureux d’une étoile peut porter sa passion sublime jusqu’à l’incandescence du sacrifice : il finit, écrasé sous le talon de l’Histoire. Le Salluste que campe Stephen Szekely est un vrai méchant, éruptif et retors, jaloux et perfide. Rien ne semble résister à ses macabres machinations. Tout au long de la pièce, Emmanuel Bordier incarne un Ruy Blas inquiet, même au faîte du pouvoir : les grands d’Espagne qu’il humilie restent plus gloutons et plus inquiétants que lui. De même, Caroline Corme est une reine craintive, que rien ne semble pouvoir consoler d’être reine. Si la mise en scène d’Olivier Mellor rend justice à l’amour de ces deux cœurs purs, elle montre aussi leur naïveté à croire pouvoir échapper au corset étouffant des intrigues.
Noir, c’est noir
Le vers hugolien, tout d’éclat et d’audace, s’appuie sur des personnages, dont les comédiens font des pantins, toujours aux limites d’eux-mêmes, dans l’amour, la haine ou le ridicule (ainsi François Decayeux en Guritan et Marie-Laure Desbordes en duègne). L’histoire de ces amours tragiques et brutales entre une reine et un valet, dévorés par le brasier que les méchants allument autour d’eux et qu’alimente leur ferveur exaltée, fait naître un spectacle bouillonnant et haut en couleurs. On étoufferait presque sous une telle intensité (même le César de Rémi Pous est un renard plus cynique que probe), n’était-ce les très beaux moments musicaux qu’offrent Christophe Camier (accordéon), Séverin Toskano Jeanniard (contrebasse), Adrien Noble (violoncelle) et Louis Noble (sax ténor), qui sont comme des respirations dans cette course haletante vers l’abîme. L’alliance ainsi créée entre le théâtre et la musique permet à la seconde d’être comme la consolation du désastre orchestré par Salluste. La mise en scène d’Olivier Mellor fait dialoguer les arts avec une belle harmonie, en un spectacle où l’emportent la mélancolie et le venin, comme si Shakespeare relisait le drame romantique.
Catherine Robert
Du jeudi au samedi à 21h ; dimanche à 16h30. Tél. : 01 48 08 39 74. Durée : 3h10 avec entracte. Spectacle vu au Centre culturel Jacques-Tati d’Amiens.
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