« Ma jeunesse exaltée » d’Olivier Py, épopée dramatique en forme de tétralogie
Dernière création du metteur en scène, [...]
Robin Renucci ouvre son mandat marseillais en revisitant Aristophane en compagnie de Serge Valletti. Un spectacle tonique et revigorant, servi par une troupe joyeuse qui mêle les âges et les talents.
Saha ! Salud ! Cheers ! Lekhayim ! Prost ! Qu’on foute enfin la paix à ceux qui préfèrent « boire aux fontaines, / Prier dans l’ombre à genoux, / Aimer, songer sous les chênes », comme disait Victor Hugo, et ne trouvent pas que « Tuer son frère est plus doux ». Qu’on arrête aussi de les emmerder avec les dividendes des marchands de canons, les discours politiques où Narcisse l’emporte sur le bien commun, et la célébrité vulgairement acquise à grands renforts de like et de followers. Qu’on aille chercher des verres et qu’on fasse la fête, loin des dealers d’anxiété et des thuriféraires de la guerre. Que l’on trinque à la paix, enfin, le verbe aussi haut que le verre, en envoyant chier tous les tristes sires qui font commerce de mort. En revisitant Aristophane, Robin Renucci et Serge Valetti conservent sa scatologie iconoclaste et modernisent le bousier de Trygée, l’Athénien de la comédie originelle. Yves Rogne (charismatique Guillaume Pottier), le viticulteur de cette Paix moderne, a inventé une machine qui carbure à la merde. Ses deux employés (excellents Kristina Chaumont et Heddy Salem) s’échinent à la nourrir de toutes les déjections marseillaises disponibles, pendant que sa fille (épatante Claire Bonfils) essaie de comprendre quelle mouche irénique a piqué son paternel, désireux d’aller demander des comptes à ceux d’en haut qui s’obstinent à empêcher les braves gens de biberonner pépère.
Le sens de la fête
Le texte de Robin Renucci et Serge Valetti suit la trame antique en émaillant son propos de références efficaces aux conflits actuels. Dans le chaudron d’un Polémos en sadique hystérique (Anne Levy, hilarante en mère fouettarde), sont jetés toutes les victimes d’aujourd’hui. Les Athéniens avaient de la chance, au fond, de n’avoir que Sparte dans le viseur… Yves Rogne réussit à libérer les outils de la paix de leur cachot avec l’aide d’Hermès (brillant Alex Fondja) et surtout du public, qui vient à la rescousse de la bande de joyeux pieds nickelés qui s’emparent des moyens de la fête (Aurélien Baré, Frédéric Richaud et les élèves comédiens de l’ERACM, tous hilarants). Robin Renucci dit avec ce spectacle le théâtre qu’il fait et veut faire à Marseille : une œuvre collective, démocratique, qui ne peut pas se passer du public, qui l’invite au banquet commun, plutôt qu’il ne le convoque dans la salle. Si le texte est grossier, il n’est jamais vulgaire : la veine est ici rabelaisienne et il faut avoir le nez et l’accent bien pointus pour ne pas goûter aux joies de ces provocations bon enfant, qui chantent Marseille et le goût de la fraternité populaire. Jean Vilar organisait des bals au TNP : Renucci continue la fête dans le même esprit à La Criée.
Catherine Robert
Mercredi à 19h ; mardi, jeudi, vendredi et samedi à 20h ; dimanche à 16h. Tél. : 04 91 54 70 54. Durée : 1h50. A partir de 12 ans.
Dernière création du metteur en scène, [...]