Rencontre avec une illuminée, François de Brauer confirme son éblouissant talent

Après La Loi des Prodiges (2018), brillante performance et traversée mouvementée autour du monde de l’art, François de Brauer poursuit sa route et confirme son époustouflant talent, qui dépasse largement le simple exercice virtuose, et préfère toujours le parcours en slalom à la livraison de messages tout-en-un. Ce dernier opus à la fois touchant et hilarant s’aventure davantage du côté de l’intime, et célèbre joyeusement l’amitié et le goût des autres. Si ses spectacles sont un peu « le réceptacle de ses névroses », il les recycle à merveille pour en faire théâtre avec un sens de l’à-propos et une manière de rebondir qui impressionnent, avec aussi une façon de se relier au public qui fait mouche. Sur un plateau nu, entouré par un demi-cercle de bougies posées au sol, le comédien Simon, dont on peut penser qu’il ressemble un peu à François, raconte sa crise existentielle et sa rencontre avec Stella, dont il avait bien besoin. Tout commence par l’enterrement d’un grand-père qu’il ne connaît pas, pour lequel sa tante Cathy lui a demandé de lire un texte lors de la messe. En tant que comédien, il est évidemment très attendu, mais il refuse. Il n’est pas croyant, comment pourrait-il lire un texte religieux ?

Syncrétisme foutraque

Dialogue avec sa mère, déballage pseudo-autobiographique, hallucinations diverses dont une discussion avec le grand-père qui se relève allègrement du cercueil, intervention remarquée de Jésus, crise de l’acteur en panne d’inspiration voire de virilité, et enfin rencontre avec Stella qui lui porte secours, figure résolument positive, ouverte à toutes sortes de possibilités paranormales et ésotériques pour mieux jouir de la vie, pour mieux consoler. C’est elle l’illuminée qui redonne du baume au cœur. À la manière de Philippe Caubère, le jeune auteur et comédien fait preuve d’une imagination et d’une capacité hors du commun à incarner une grande diversité de personnages. Il n’hésite pas à franchir les frontières de l’absurde, à célébrer toutes sortes de mysticismes farfelus et un syncrétisme foutraque. Il devait au départ créer un spectacle intitulé Les Performants, mais l’invitation de son amie comédienne et chanteuse Estelle Meyer à écrire lors d’une carte blanche aux Plateaux Sauvages une forme courte l’a mené vers une direction nouvelle. Leur amitié et leurs rapports très différents à la croyance ont enclenché le désir d’écrire ce revigorant seul en scène, conçu en collaboration avec Louis Arene et Jean-Luc Gaget. La rencontre avec l’illuminée devient par la science du théâtre de François de Brauer une rencontre avec le public – « mes merveilles, mes amours ». Un rayon de soleil qui réchauffe le cœur et enchante. À ne pas manquer !

Agnès Santi