La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Racine carrée du verbe être, la nouvelle création de Wajdi Mouawad

Racine carrée du verbe être, la nouvelle création de Wajdi Mouawad - Critique sortie Théâtre Paris la colline
© Simon Gosselin Racine carrée du verbe être

La Colline – Théâtre National

Publié le 25 octobre 2022 - N° 304

Avec Racine carrée du verbe être, le directeur de La Colline Wajdi Mouawad revient avec une nouvelle épopée habitée par ses obsessions : l’exil, la famille, la filiation, la guerre. Portée par 13 comédiens, sa fresque porte l’ambition d’une réflexion métaphysique sur l’existence, qui s’étiole à force d’une écriture trop peu pointue et singulière.

Comme bien des pièces de Wajdi Mouawad, Racine carrée du verbe être est marquée par une séparation imposée par l’Histoire. Une famille, une fois de plus, est bouleversée par les drames du pays dont est originaire l’auteur et metteur en scène, le Liban. Une fois de plus – la dernière remonte à peu de temps, dans sa pièce Mère où il jouait son propre rôle –, Wajdi Mouawad puise dans son parcours personnel pour construire une fiction labyrinthique, dont les protagonistes sont soumis à des forces qui les dépassent et souvent les rapprochent de figures mythologiques. Pour explorer sous un angle nouveau ses motifs récurrents depuis son fameux quatuor Le Sang des Promesses créé au Festival d’Avignon en 2009, le directeur de La Colline se fixe un cadre a priori beaucoup plus restreint qu’à son habitude : il s’emploie à raconter une semaine de la vie d’un homme, un certain Talyani Waqar Malik. Mais cet homme se révèle vite être multiple. En parallèle, Racine carrée du verbe être en donne à voir cinq versions, dont deux incarnées par Wajdi Mouawad et trois par Jérôme Kircher, accompagnés par onze autres comédiens. Après une même enfance libanaise, interrompue par la guerre qui pousse le père à choisir un pays d’exil, leurs cinq Talyani se sont construit des vies plus ou moins bancales. Leur rassemblement dans le spectacle est censé porter une réflexion sur la part de prédéterminé et d’aléatoire de l’existence, en mêlant science et métaphysique. Non sans frottements, et non sans facilités.

Racine carrée à la puissance cinq

Les cinq vies parallèles de Talyani Waqar Malik ont en commun les mêmes bornes temporelles : les sept jours qui suivent l’explosion du port de Beyrouth le 4 août 2020. Qu’il vive encore au Liban, à Paris, à Rome, à Montréal ou à Livingstone, le personnage principal revient à cette occasion sur l’année 1978, qu’il définit comme son « point A », censé le mener vers un « point B ». Comment la guerre du Liban, l’exil – à une exception près, puisqu’un Talyani reste dans son pays d’origine –, et plus largement une catastrophe peuvent-elles influencer le cours d’une vie ? Comme si la fiction ne suffisait pas pour répondre à cette question, Wajdi Mouawad fait appel à différentes notions scientifiques, qu’il tente d’intégrer à sa fiction fragmentaire à travers des personnages. Ainsi, son Talyani romain est un neurochirurgien dont la célébrité est entachée par la mort d’une prostituée mineure après une passe. La fille de ce même Talyani est physicienne – elle donne à la fin de la pièce un cours sur la relativité restreinte, dont on se doute alors que les principes ont influencé l’écriture de la pièce. Un autre personnage, qui mène le Talyani parisien dans une aventure écologiste militante, se présente comme « botaniste, paysagiste, entomologiste, jardinier… ». La belle distribution de la pièce, rassemblant des artistes d’horizons divers, ainsi que l’étonnante fluidité avec laquelle se déploient les cinq parcours, ne suffisent pas à pallier la superficialité des propos scientifiques, qui souvent se heurtent à une approche métaphysique guère plus convaincante. Avec ses méandres de natures diverses, Racine carrée du verbe être divertit efficacement au lieu de nourrir une pensée profonde. Les six heures du spectacle permettaient d’espérer une réflexion plus complexe sur les différents sujets auxquels Wajdi Mouawad se consacre depuis des années.

Anaïs Heluin

 

 

 

A propos de l'événement

Racine carrée du verbe être
du vendredi 30 septembre 2022 au vendredi 30 décembre 2022
la colline
15 rue Malte Brun, 75020 Paris

Du 30 septembre au 18 décembre 2022, Partie 1 et 2 le mercredi à 19h30 et 21h40, Partie 3 le jeudi à 20h30, Intégrale vendredi 4 et 18 novembre, 2 et 16 décembre à 17h30, samedi à 16h, dimanche à 13h30. Relâche lundi, mardi. Du 21 au 30 décembre 2022, intégrale à 17h30. Relâche du 24 au 27 décembre. Tel : 01 44 62 52 52. www.colline.fr Durée de chaque partie : 1h40, entractes 30 minutes.

 

x

Suivez-nous pour ne rien manquer sur le Théâtre

Inscrivez-vous à la newsletter

x
La newsletter de la  Terrasse

Abonnez-vous à la newsletter

Recevez notre sélection d'articles sur le Théâtre