« Emballage » de Marie Hurault et Franco Salvatore, dissection du capitalisme et joyeuse prise de conscience
Marie Hurault, Franco Salvatore et Claude [...]
Avignon / 2024 - Entretien / Gwenaël Morin
Gwenaël Morin continue à « démonter les remparts pour finir le pont » en se lançant à l’assaut du chef-d’œuvre de Cervantès, avec Jeanne Balibar en héroïne picaresque, Marie-Noëlle en Rocinante, Thierry Dupont en Sancho Panza et lui-même dans le rôle de l’âne Rucio.
Pourquoi Cervantès ?
Gwenaël Morin : Le projet « Démonter les remparts pour finir le pont » me conduit, depuis l’an dernier, à créer pour chaque édition une pièce à partir du répertoire et en relation avec la langue invitée. Cette année, le festival met l’espagnol à l’honneur. Or Don Quichotte en est le phare. J’ai donc plongé dans ce texte infini et inépuisable qui a traversé les siècles et que, je crois, chaque lecture réinvente. Quand je décide de monter un projet, j’y vais à l’aveugle et, habituellement, quelque chose m’apparaît et me guide. Avec ce texte, pourtant, pas de lisibilité immédiate ! Ma seule affirmation tenait à la distribution. Nous partons à l’assaut de l’œuvre à quatre : Jeanne Balibar, Thierry Dupont, Marie-Noëlle et moi. Le véhicule, c’est ce quatuor ! En même temps, je peux dire que je suis moi-même Don Quichotte. Il lit des livres qu’il confronte à la réalité. J’ai l’impression de faire la même chose quand je monte un texte, pour inventer l’humanité qui tient à l’intérieur. Je pars de cette œuvre et je la passe au crible de ma pratique artistique. Mais, au fond, je crois qu’on ne peut pas réussir Quichotte. On ne peut que rater, avec enthousiasme, en touchant peut-être au sublime, et en se battant pour préserver cet enthousiasme dans un monde qui va à son encontre. Mon travail repose toujours sur une approche existentielle : je cherche dans chaque œuvre un reflet de mon propre engagement.
Qui est Don Quichotte ?
G.M. : Un pauvre type, un exutoire pour la cruauté plutôt qu’un exemple. Il est insupportable, il n’écoute pas Sancho, pourtant d’une tendresse incroyable avec lui. C’est un vieux grincheux qui essaie d’exister malgré les sarcasmes de ceux qui l’entourent. Or, on fait de lui ce qu’on a fait du Christ, l’emblème d’une utopie naïve et la consolation héroïque d’un siècle qui a massacré à tour de bras en conquérant l’Amérique. Cervantès est un vétéran ; toutes les familles européennes de l’époque sont marquées par la guerre : que cache ce messie démiurgique tellement bête et tellement drôle ? Je veux le montrer sans la bienséance de l’admiration consolante et idéalisante, comme un vieux réac’ insignifiant, typique de la culture occidentale et du message chrétien qui utilisent des martyrs pour masquer leur cruauté. De même qu’on ne peut plus désormais lire le Nouveau Testament comme un roman comique, je crois qu’il en va de même pour Don Quichotte, dont il faut questionner la triste figure. Dans 200 ans, il ne sera plus le même. Lire ce roman, c’est aussi interroger le temps présent. Je mets le nez dedans avec l’intuition qu’on ne peut pas le comprendre. Ma mission n’est pas de dire qui est Quichotte, mais qui je suis, qui sont ceux à qui je m’adresse et quel est notre monde.
Quelle peut être la réception de l’œuvre dans ce cas ?
G.M. : Dans ce roman où les récits sont enchâssés, les auditeurs des aventures de Don Quichotte en deviennent les protagonistes. Quand on est spectateur, on devient acteur si le spectacle est réussi. Se constituer auditeur d’une histoire, c’est en devenir responsable. C’est aussi en ce sens qu’a lieu Venez m’aider à faire du théâtre, tous les samedis, de 10h30 à 13h30, depuis le 23 mars et pendant tout le festival, à la FabricA. J’y mets en partage ce qui me préoccupe. Je prends à bras-le-corps le projet de « démonter les remparts pour finir le pont », dans une perspective interpersonnelle et pas institutionnelle, sans objectif ou finalité, pour continuer le début. Faire un spectacle, c’est fonder une micro-utopie, faire exister un commun. Quichotte est le nom de cette utopie.
Propos recueillis par Catherine Robert
à 22h ; relâche les 4, 5, 9, 14. Tél. : 04 90 14 14 14. Durée : 2h.
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