Avignon / 2024 - Entretien / Gwendoline Destremau
« Léviathan » : Gwendoline Destremau revisite la figure de Cassandre
Artéphile / texte et mise en scène Gwendoline Destremau
Publié le 3 juin 2024 - N° 323Faisant dialoguer musique, jeu et danse, l’autrice et metteuse en scène Gwendoline Destremau revisite la figure de Cassandre et trace un chemin de consolation.
Après Eurydice aux Enfers, vous vous emparez de la figure de Cassandre avec Léviathan. Quelle relation entretenez-vous avec la mythologie ?
Gwendoline Destremau : La mythologie, c’est toujours l’histoire de transformations monstrueuses au nom de quelque chose qui nous dépasse. Les héros, les héroïnes se déchirent le cœur et le corps pour atteindre leur idéal. Ils transforment tout sur leur passage. Cela donne de l’espoir dans notre capacité à modifier le monde, les autres, soi-même. Le côté millénaire de ces histoires rassure, aussi, et offre une perspective immense sur les cycles de notre humanité qui évolue tout en restant la même. La mythologie me décentre, m’invite à trouver la vie passionnante.
De quoi se compose Léviathan ?
G.D. : Le mythe est un prétexte. Je reprends la figure de Cassandre, princesse maudite de la guerre de Troie, pour dézinguer l’esthétisation des figures guerrières dans nos récits fondateurs. Ce spectacle allie la puissance poétique du mythe à la contemporanéité d’un langage cru. Le Léviathan, c’est un monstre marin, annonciateur d’apocalypse. Ici, Cassandre devient monstre. Elle interprète toutes les voix, celles des victimes comme des bourreaux, sans chercher de morale. Et puis, il y a ce rapport à la mer, symbole de lâcher prise. Impossible de contrôler un océan.
« La parole musicale est une échappatoire poétique, elle permet de passer sous la vague de l’émotion. »
Quel sens donnez-vous à la pluridisciplinarité que vous convoquez sur scène ?
G.D. : La parole est multiple. Le sujet est trop fort pour être traité rationnellement. Cassandre cherche à comprendre, mais sa colère se cogne aux murs. Une violoncelliste lui ouvre des portes. La parole musicale est une échappatoire poétique, elle permet de passer sous la vague de l’émotion. Léviathan n’est pas un spectacle de danse, mais nous assistons à un long cri du corps. Il change de forme, se ratatine, s’enflamme. La danse est ici l’expression cathartique de la colère et de l’espoir. Guérir d’un viol, d’un traumatisme, d’une guerre, passe par l’expression de la violence subie. À deux voix, s’entraidant l’une et l’autre, violoncelliste et comédienne se fraient un chemin vers la guérison. J’aimerais que cette consolation mène à la liberté de regarder derrière soi, en tant que victime de violences sexuelles, et de dire « J’accepte », qu’elle mène à la liberté de se sentir détruit, détruite, et d’avancer avec.
Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat
A propos de l'événement
Léviathandu mercredi 3 juillet 2024 au dimanche 21 juillet 2024
Avignon Off. Artéphile
7 rue Bourgneuf, 84000 Avignon
à 14h50, les jours impairs. Relâche les mardis. Tél. : 04 90 03 01 90.