Philippe Torreton se glisse dans les mots du « Funambule » de Jean Genet
MC2 / texte de Jean Genet / conception et mise en scène de Philippe Torreton
Publié le 25 septembre 2024 - N° 325Philippe Torreton se glisse dans les mots du Funambule, intuition fulgurante sur le cirque et poème d’amour à un fildefériste, qu’incarne Julien Posada. Boris Boublil les accompagne en musique.
Comment avez-vous rencontré ce texte ?
Philippe Torreton : Je connaissais Genet pour avoir essayé de le lire, sans doute trop jeune, sans le comprendre. Au Français, j’avais rencontré le maquilleur Paillette, de son vrai nom Jacques Maistre, un des créateurs du cirque Aligre, qui avait rencontré Genet dans sa jeunesse, quand il faisait la manche et un numéro de fil tendu entre deux lampadaires, dans la rue. J’étais fasciné par ce qu’il me racontait. Longtemps après, pendant le confinement, j’ai été contacté par une association qui demandait à des comédiens d’enregistrer des textes pour des non-voyants. La personne qui distribuait les textes m’a dit « je pense à vous pour Le Funambule ». Ça m’a touché, ému, et je me suis mis à relire Genet. Puis, comme par hasard, à la sortie du confinement, Guillaume de Sarde m’a confié le rôle de Genet dans son court métrage, Genet à Tanger. Je suis alors revenu à ce texte et j’ai eu envie de le dire sur scène. J’ai demandé à Boris Boublil, qui a beaucoup travaillé dans le cirque, s’il connaissait un fildefériste. Il m’a présenté Julien Posada. Je voulais faire un spectacle avec un musicien et un fildefériste. Boris a créé une musique originale qu’il joue sur scène, à la fois très douce et très forte, avec des accents à la Kurt Weill. Boris et Julien se sont investis avec enthousiasme dans ce projet.
« Je saisis Genet là où il est d’une grande pureté et d’une absolue sincérité. »
Comment interprétez-vous Genet ?
P.T. : Je suis comme un Genet un peu spectral, qui parle au fildefériste sans qu’il le voie. Comme si j’étais un fantôme, même si on ne sait pas vraiment qui est le fantôme de l’autre. Ce texte a été écrit pour Abdallah Bentaga, jeune acrobate amant du poète, que celui-ci a lui-même formé pour devenir funambule. Mais Abdallah est tombé, s’est relevé pour remonter sur son fil, est tombé encore, définitivement blessé. Genet l’a délaissé et il en est mort. On ne peut pas ne pas évoquer cette histoire, qui est, pour l’un, celle d’un amour disparu, et, pour l’autre, celle d’un abandon comme on laisserait de côté un jouet cassé.
Ajoutez-vous au texte pour dire cette histoire ?
P.T. : Il n’y a que le texte de Genet. Le reste est adapté visuellement. J’ai demandé à Raymond Sarti de créer un décor immense que Bertrand Couderc éclaire comme les reliquats d’un chapiteau abandonné qu’on aurait oublié de démonter, comme si la lumière n’était pas prévue pour nous, comme si c’était à nous de la chercher et pas à elle de nous éclairer. À l’intérieur de ce chapiteau d’une époque révolue, un jeune homme dort dans un lit de camp. On le voit se lever pour se tuer le soir, comme dans une tragédie. J’ai voulu que cet essai poétique soit comme une réminiscence du poète qui témoigne de son intuition hallucinante sur l’art du cirque, dont il ne connaissait rien avant de connaître Abdallah. Je saisis Genet là où il est d’une grande pureté et d’une absolue sincérité, dans cet amour du cirque et de la prise de risque de l’artiste : un Genet d’une grande tendresse, qu’on n’a pas l’habitude d’entendre.
Propos recueillis par Catherine Robert
A propos de l'événement
Philippe Torreton se glisse dans les mots du « Funambule » de Jean Genetdu mardi 8 octobre 2024 au jeudi 17 octobre 2024
MC2 : Grenoble – Scène nationale
4, rue Paul-Claudel, 38000 Grenoble
Du mardi au vendredi à 20h ; samedi à 18h. Tél. : 04 76 00 79 00. A partir de 16 ans. Durée : 1h15.
Tournée : Les 12 et 13 novembre au Foirail, Pau ; les 19 et 20 novembre à La Passerelle - Scène nationale de Saint-Brieuc ; les 26 et 27 novembre au Théâtre - Scène nationale de Saint-Nazaire ; les 29 et 30 novembre aux Scènes du Golfe, Théâtres Vannes Arradon ; les 4 et 5 décembre au Quartz - Scène nationale de Brest ; les 11 et 12 décembre au Volcan - Scène nationale du Havre en coaccueil au Théâtre de l'Hôtel de Ville ; du 17 au 21 décembre aux Théâtres Aix-Marseille en coaccueil à La Friche La Belle de Mai ; les 9 et 10 janvier à l’Agora - Pôle national cirque Boulazac ; les 23 et 24 janvier au GRRRANIT - Scène nationale de Belfort ; du 28 au 30 janvier à la Comédie de Picardie, Amiens ; du 25 au 27 février à la Comédie de Caen - Centre dramatique national de Normandie ; du 1er au 20 mars au Théâtre de la Ville - Théâtre des Abbesses, Paris ; Du 6 au 10 mai aux Célestins, Théâtre de Lyon.