La Terrasse

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Théâtre - Gros Plan

« Nos ailes brûlent aussi » de Myriam Marzouki et Sébastien Lepotvin, retrace la décennie qui a suivi la révolution Tunisienne de 2011

« Nos ailes brûlent aussi » de Myriam Marzouki et Sébastien Lepotvin, retrace la décennie qui a suivi la révolution Tunisienne de 2011 - Critique sortie Théâtre Paris Le Théâtre de la Concorde
Ghita Serraj, Helmi Dridi et Mounira Barbouch dans Nos ailes brûlent aussi de Myriam Marzouki et Sébastien Lepotvin ©David Gallard.

Théâtre de la Concorde / Texte et mise en scène de Myriam Marzouki et Sébastien Lepotvin

Publié le 16 décembre 2024 - N° 328

Créée en 2023, Nos ailes brûlent aussi retrace la décennie qui a suivi la révolution tunisienne de 2011. Plongeant au cœur de récits intimes et collectifs, Myriam Marzouki et Sébastien Lepotvin dressent le portrait d’une société postrévolutionnaire tiraillée entre chaos et espoir, quête de liberté et désillusions.

17 décembre 2010. Sidi Bouzid, une ville du centre de la Tunisie. Un homme, Mohamed Bouazizi, s’immole par le feu, sous les yeux des commerçants paniqués. Cet acte de rage et de désespoir signe le début de ce qu’on a appelé « La Révolution de Jasmin », 28 jours de révolte qui feront tomber le régime dictatorial du président tunisien Ben Ali. Myriam Marzouki et Sébastien Lepotvin s’emparent des retombées de cette révolution et en font le point d’ancrage de Nos ailes brûlent aussi. Néanmoins, ils décentrent le propos, se focalisant sur les histoires personnelles, anonymes, loin des figures héroïques érigées en icônes du mouvement pour la démocratie. La metteure en scène partage sa vision, aussi subjective soit-elle, d’un pays chamboulé qui l’a vue grandir, enfant puis adolescente. Il en résulte un savant mélange entre une recherche documentaire fouillée et la création d’un univers sensible et poétique. Les interprètes (Mounira Barbouch, Helmi Dridi et Ghita Serraj) s’emparent des pages d’un « livret de paroles » et développent des instantanés, des flashbacks, de trois personnages au carrefour du vécu, des prises de parole, des allocutions politiques, des auditions de l’Instance Vérité et Dignité…

Quand le politique se mêle au poétique

Avec cette pièce, Myriam Marzouki continue de tresser les liens entre le fait politique, historique et le théâtre, un ouvrage qu’elle avait entamé entre autres en 2016 avec Ce qui nous regarde, sur les perceptions du voile, ou encore avec Que viennent les barbares, sur le rapport entre « l’autre » et le récit national français. Malgré l’attention portée au recueil et la véracité des sources mobilisées, les dramaturges n’entendent pas faire un récit chronologique et factuel des événements. IIs convoquent sur scène les sonorités méditerranéennes de l’arabe dialectal tunisien, mêlées au français. Loin de créer une sorte d’image d’Épinal de la Tunisie, les photos de Fakhri El Ghezal, empreintes de sincérité, viennent nuancer les teintes de ce tableau dramaturgique. Le duo d’auteurs dépeint ainsi, avec intensité et poésie, « l’oppression au soleil ».

Amandine Cabon