Le Théâtre de la Concorde : l’art au service de la démocratie, rencontre avec Elsa Boublil
Théâtre de La Concorde / première saison
Publié le 16 décembre 2024 - N° 328Il a ouvert ses portes le 5 octobre dernier. Dans les murs de l’ancien Espace Cardin, le Théâtre de la Concorde affirme sa singularité entre réflexion démocratique et création artistique. Sa directrice, Elsa Boublil, nous présente cet « autre théâtre » — entièrement financé par la Mairie de Paris — qui veut travailler à éveiller les consciences.
De quelle volonté politique est né le Théâtre de la Concorde ?
Elsa Boublil : Il y a un an, en janvier 2024, Anne Hidalgo a souhaité que l’Espace Cardin — qui avait hébergé durant plusieurs années le Théâtre de la Ville, le temps d’effectuer les travaux de rénovation de sa salle historique, place du Châtelet — devienne un théâtre citoyen au sein duquel puissent être débattus et pensés les grands enjeux de notre vie démocratique, un théâtre qui permette de lutter contre l’obscurantisme. C’est ainsi qu’est né le Théâtre de la Concorde. Depuis son ouverture, en octobre dernier, on y débat, on y crée, on y interroge toutes sortes de sujets, on y croise des citoyens, des artistes, des penseurs, des actrices et des acteurs de la vie publique…
Comment s’organise votre programmation ?
E. B.: Notre saison n’est pas définie un an à l’avance, comme c’est souvent le cas dans les théâtres. Le Théâtre de la Concorde a été pensé comme un lieu en prise directe avec l’actualité. Notre programmation est donc trimestrielle, ou semestrielle, afin qu’elle puisse coïncider avec les enjeux du présent. Cette façon de faire nous permet de présenter des créations de manière impromptue, des projets de personnes ayant envie de traiter d’un sujet sans avoir de lieu pour le faire. Depuis notre ouverture, les différentes propositions que nous avons accueillies se sont décidées dans une forme d’urgence. Je souhaite que nous puissions continuer ainsi.
« Je place au centre de mon action les spectatrices et spectateurs qui se sentent éloignés du théâtre institutionnel, qui peuvent en avoir peur. »
Avec, toujours, une ligne artistique centrée sur le thème de la démocratie…
E. B.: Oui, la démocratie en scène. Ce qui m’a toujours intéressée, comme citoyenne, mais aussi par le passé comme artiste et productrice de radio engagée, c’est comment faire entendre les voix de celles et ceux qui choisissent l’art par conviction, parce qu’ils ont des choses à dire sur le monde dans lequel nous vivons. C’est cet aspect de l’esthétique qui m’intéresse depuis toujours : une esthétique au service de la démocratie. Dans mes joies récentes, il y a par exemple le fait d’accueillir en janvier Stanislas Nordey dans La Question, un monologue d’après le texte d’Henri Alleg mis en scène par Laurent Meininger, revenant sur la torture pendant la Guerre d’Algérie ; Myriam Marzouki avec Nos Ailes brûlent aussi de Sébastien Lepotvin autour du « printemps arabe » tunisien ; Anne Kessler avec Ex-Traits de Femmes pour un hommage à la femme à travers le répertoire de Molière, en février. On va également donner une carte blanche à Agnès Jaoui, en mars…
À quels publics souhaitez-vous vous adresser à travers tous ces rendez-vous ?
E. B.: Aux publics les plus larges possibles. Je place au centre de mon action les spectatrices et spectateurs qui se sentent éloignés du théâtre institutionnel, qui peuvent en avoir peur. Il ne faut jamais les oublier. Voir des personnes qui ne sont pas habituées au théâtre venir et revenir dans nos murs est vraiment une grande fierté. Il y a aussi toutes celles et tous ceux qui viennent répéter et créer chez nous, comme par exemple les membres de L’École de l’Opéra de la Parole. C’est une association qui forme des jeunes gens à prendre la parole, à faire du stand-up, à travailler l’éloquence. Elle a répondu à un appel à projet et nous l’avons sélectionnée. Je trouve que ce que font ces jeunes passionnés des mots et de la langue est vraiment impressionnant.
Quels formats peuvent prendre les rendez-vous singuliers que vous programmez ?
E. B.: Il peut y avoir, par exemple, des procès fictifs. Créer un tribunal sur une scène de théâtre donne immédiatement une dimension extrêmement forte au rôle de la justice. On a expérimenté également des rendez-vous reprenant le format d’émissions Twitch, avec des Escape Games, pour faire venir au théâtre, notamment à l’occasion de la soirée électorale américaine, des personnes qui habituellement restent derrière des écrans. Et puis, il y a ce que nous appelons les scènes ouvertes, qui permettent la rencontre de chercheurs et d’intellectuels avec des artistes, autour d’un sujet en lien avec des thématiques mensuelles, dont par exemple en janvier un Atelier d’auto-défense contre les images avec l’historien Patrick Boucheron. En janvier, notre thématique sera Le coup d’éclat en démocratie, en février Faire lien, en mars Dans mon genre.
Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat
A propos de l'événement
Le Théâtre de la Concorde : l’art au service de la démocratie, rencontre avec Elsa BoublilLe Théâtre de la Concorde
1-3 avenue Gabriel, 75008 Paris
Tél. : 01 71 27 97 17. www.theatredelaconcorde.paris