Nomade intérieur

« Ce monologue explore la question des identités plurielles, du vrai faux déracinement des fils de migrants, tel que moi. Le pays d’origine n’est pas explicitement évoqué, car j’ai privilégié une adresse universelle ancrée dans cet entre deux : le personnage navigue entre là-bas et ici, entre la mémoire de ses parents et la sienne,  nourrie de toutes ses émotions et de toute sa subjectivité. La Méditerranée est évoquée mais ce périple peut concerner n’importe quel voyageur. Quand on a perdu ses parents et qu’on ne connaît pas le pays d’origine, quelque chose ne va pas, cet ailleurs impalpable devient alors encore plus fortement relié à une forme de mystère, à une sensation de manque. C’est cette recherche de sens et cette situation confuse, que je portais en moi depuis des années, qui m’ont décidé à créer une pièce de théâtre, comme une sorte de catharsis.

Refaire le chemin

Le texte est une commande d’écriture à Gilles Desnots, nous avons longuement discuté et effectué de nombreux allers-retours au fil de l’écriture. Le fils de migrant Tékitoi Tédou, qui n’arrive pas à comprendre l’histoire de ses parents et la sienne, se lance dans un voyage initiatique qui convoque une foule de souvenirs et divers personnages : son père, un agent administratif, un joueur de guitare, la Méditerranée… et sa mère, une voix qui s’invite et lui parle, comme un fil directeur. Le public aussi a le statut de migrant, au sortir d’une embarcation avant le passage aux frontières. Je souhaite partager ce poème en communion avec le public, comme un voyage éclairant tous ces questionnements, un voyage sans revendication ni explication, sans pathos ni agressivité,  mais que je porte avec détermination et conviction. La pièce de théâtre pose toutes sortes de questions, et permet de refaire le chemin par la mémoire et la parole. »

Propos recueillis par Agnès Santi