La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Nathalie Fillion

Nathalie Fillion - Critique sortie Théâtre
Crédit : Fabrice Melquiot Légende : « L’auteur et metteur en scène Nathalie Fillion. »

Publié le 10 mars 2012 - N° 196

La peur de la dégradation et de la perte

Nathalie Fillion crée À l’Ouest, une pièce sur le rapport irraisonné à l’argent d’une société relativement aisée. Une belle occasion pour le public d’apprécier la confrontation des générations dans la comédie, le drame et l’onirisme.

Comment est née l’idée de cette épopée sur une crise familiale et sociale ?

Nathalie Fillion : J’ai écrit Les Descendants en 2007, une pièce qui contenait déjà un grand potentiel de jeu sur la question du rapport à l’argent. Un an après, la crise financière « explose » ; j’ai continué la pièce sur la relation irrationnelle des êtres dans leur rapport à l’argent, tant d’un point de vue individuel que collectif. Je voyage beaucoup, je sais que je vis dans un pays plutôt riche. Je suis frappée que, dans nos pays « nantis » qui vivent bien par rapport à l’échelle de la planète, nous soyons, nous, «  petits-bourgeois de la classe moyenne », saisis par l’angoisse d’une possible perte de nos biens, sans aucun lien avec la réalité.

De quoi traite plus particulièrement À l’Ouest ?

N. F. : La pièce traite de cette peur de la perte et de l’absence de regard sur soi, sans humour. Beaucoup d’autres peuples, moins nantis, sont davantage rôdés à la dérision. À l’Ouest propose un tableau impressionniste de notre époque ; c’est un miroir sur les petites et grandes terreurs d’aujourd’hui. L’intrigue avance par petites touches, explorant par exemple le rapport à l’héritage dans une famille. L’argent est un sujet éminemment théâtral, c’est le symptôme d’autres problèmes.

« L’argent est un sujet éminemment théâtral, c’est le symptôme d’autres problèmes. »

Comment  transposez-vous votre texte sur le plateau ?

N. F. : Mon écriture accumule beaucoup de mots, ce n’est pas non plus une écriture bavarde. Mais la parole « échappe », c’est une parole de l’altérité, qui se modifie au contact de l’autre. Et comme le volume de mots est important, j’ai conçu avec la scénographe Charlotte Villermet un espace qui laisse place au jeu et au corps des acteurs, un écrin zen qui offre à cette épopée baroque la capacité de s’exprimer.

Que se passe-t-il sur la scène ?

N. F. :  Huit comédiens de trois générations envahissent le plateau. Les acteurs plus âgés sont forts d’une expérience humaine et artistique : Laurence Février, Jean-Claude Durand et Olivier Cruveiller. Les cinq autres sont énergiques : Manon Kneusé, Hubert Lemire, Carole Malinaud, Estelle Meyer, Ismaël Tifouche Nieto. On assiste au frottement des générations dans le discours, les enjeux et la transmission. Un théâtre « générationnel » s’est développé dans un monde cloisonné où chacun se confine à son quant-à-soi. J’ai voulu mettre en scène sur le plateau des âges différents. L’échange est magnifique car dans la réalité comme dans la fiction, l’expérience de la maturité se marie bien avec la fraîcheur et la flamme de la jeunesse. La théâtralité se nourrit de cette humanité en interrogation sur la représentation du présent comme miroir du monde.

Véronique Hotte


À l’Ouest, de Nathalie Fillion ; mise en scène de l’auteur. Du 2 mars au 1er avril 2012 à 19h30, dimanche 18h30, relâche lundi. Théâtre du Rond-Point 2 bis, avenue Franklin D. Roosevelt, 75008 Paris. Tél : 01 44 95 98 21.

A propos de l'événement


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