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Théâtre - Critique

Mitch Hooper s’inspire de l’affaire Romand pour « Le Poids du mensonge » : prenant et réussi !

Mitch Hooper s’inspire de l’affaire Romand pour « Le Poids du mensonge » : prenant et réussi ! - Critique sortie Théâtre Paris La Manufacture des Abbesses
Anne Coutureau dans Le Poids du mensonge. © Isabel de Francesco

Manufacture des Abbesses / texte et mise en scène de Mitch Hooper

Publié le 20 septembre 2023 - N° 313

Mitch Hooper réunit quatre comédiens intenses pour une plongée en apnée dans l’océan du mal. Suspense haletant entre enquête psychologique et tragédie morale. Un spectacle prenant et réussi !

En 1993, Jean-Claude Romand assassine sa femme, ses enfants et ses parents pour empêcher la révélation du mensonge ramifié et complexe sur lequel il a construit vingt ans de réussite apparente. Comme remarque Nietzsche, citant Swift : « qui raconte un mensonge s’avise rarement du lourd fardeau dont il se charge », tant il réclame « invention, dissimulation et mémoire ». Mitch Hooper s’est librement inspiré de l’affaire Romand et installe ses quatre protagonistes au moment de la bascule entre la comédie et le drame, le petit théâtre de la vie bourgeoise confortable et l’horreur du retour à la réalité. Belle idée dramaturgique : on commence par le crime, et les flashbacks retracent la crise de la veille, quand le réseau d’indices est devenu trop serré pour que l’araignée venimeuse puisse sortir indemne de la toile qu’elle a tissée autour d’elle. Sous le poids du mensonge, Jean a tué sa famille et s’apprête à se suicider quand surgit Marc, le mari du couple avec qui Jean et Carole ont passé la soirée précédente.

Loyauté me lie

Mitch Hooper ne s’intéresse pas seulement à la dérive intérieure de Jean ; il s’attache à montrer comment les autres, par faiblesse, lâcheté, renoncement et narcissisme, sont les meilleurs alliés de sa mythomanie. Pas d’acteur sans spectateur, pas de récit de soi sans pacte tacite : ceux qui écoutent s’engagent implicitement à admettre l’histoire, surtout si elle est belle. Il faut donc bien des méchants autour du méchant pour qu’il prospère. A cet égard, le personnage de Laurence, la femme de Marc, qui n’a de cesse de comparer l’échec de son mari à la réussite flamboyante de Jean, est particulièrement savoureux. En garce jalouse, elle offre un terrible miroir au ressentiment de Jean, sorte de moderne Richard III, « déterminé à être un scélérat » pour se venger de la « nature décevante » qui l’a « frustré de ses attraits ». C’est donc la question du mal qu’interroge cette pièce. Les quatre comédiens (Anne Coutureau, Anatole de Bodinat, Julien Muller et Sophie Vonlanthen) qui mènent cette enquête sont tous poignants. Haine, dépit, envie, peur, abdication : il faut des hystériques pour flatter le pervers, des âmes pusillanimes pour permettre le règne du méchant et des asservis volontaires à la cour des assassins.

Catherine Robert

A propos de l'événement

Le Poids du mensonge
du jeudi 24 août 2023 au dimanche 15 octobre 2023
La Manufacture des Abbesses
7, rue Véron, 75018 Paris

Du jeudi au samedi à 21h ; le dimanche à 17h. Tél. : 01 42 33 42 03. Durée : 1h40.

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