Ilka Schönbein et Laurie Cannac / Un poisson-clown amoureux
Après Faim de loup, Ilka Schönbein et Laurie [...]
Créée en janvier dernier au Trident – Scène nationale de Cherbourg-Octeville, la mise en scène de Lucrèce Borgia signée par Lucie Berelowitsch est présentée au Théâtre de L’Athénée. Un spectacle déséquilibré qui peine à éclairer les enjeux essentiels de la pièce de Victor Hugo.
Quelques flaques. Des résidus de terre. Une atmosphère d’obscurité quasi permanente. Des postures de désordre et de brusquerie. Des passages en force : corporels, vocaux… La version de Lucrèce Borgia qu’a élaborée Lucie Berelowitsch prend le parti de la noirceur et des bas-fonds. « La pièce est faite d’émotions premières, fait remarquer la metteure en scène. Elle a un côté immédiat, brutal et simple. Elle parle de tout ce qui relève des fantasmes, de tout ce qu’il y a de caché, pulsions et forces. » L’univers théâtral du spectacle qui se joue à L’Athénée Théâtre Louis-Jouvet (la scénographie est de Kristelle Paré, les lumières de Sébastien Michaud, les costumes de Caroline Tavernier) nous plonge dans la grandiloquence trouble d’un rêve funeste. Un rêve comme une spirale du malheur qui emportera dans son mouvement une brassée d’êtres humains. Lucrèce Borgia bien sûr (Marina Hands), mère et femme torturée, empoisonneuse honnie par ses contemporains. Mais aussi Gennaro (Nino Rocher), son fils caché, capitaine pur et valeureux qui voue un amour inconditionnel à la mère qu’il n’a jamais connue.
Du grotesque, peu de sublime
Mise en miroir du monde, la pièce de Victor Hugo renvoie aux élans et aux aspects contradictoires de l’homme, à la noirceur mais aussi à la lumière qui traversent et composent le vaste paysage de l’humanité. En surinvestissant l’une des deux dimensions de cette ambivalence fondamentale, Lucie Berelowitsch passe à côté de ce qui fait la force et la beauté du théâtre hugolien : le grotesque, certes, mais aussi le sublime, l’éclat, la grâce, la pureté… Ici, pas grand-chose de tout cela. Comme l’a exprimé le grand écrivain au sein de la préface de sa pièce Cromwell : dans son théâtre, ces notions opposées doivent se tenir. Et les beaux moments d’intensité de Marina Hands et Dan Artus (dans le rôle de Don Alphonse) ne suffisent pas à donner corps à ce maillage-là. Cette vision déséquilibrée de Lucrèce Borgia ne parvient jamais vraiment à appréhender l’écart que nous devrions parcourir : de l’ombre à la lumière, de la lumière à l’ombre.
Manuel Piolat Soleymat
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