« Les Méritants » de Julien Guyomard, une réflexion sur la responsabilité individuelle dans le monde libéral

« Je voulais travailler sur les inégalités et leurs reproductions et j’en suis arrivé à la notion de responsabilité individuelle, où se déploie tout l’imaginaire libéral, où l’on renvoie les gens à leur propre volonté, avec des idées du type « si tu traverses la rue tu trouves un travail ». Je voulais aussi vulgariser sans être didactique, arriver à être ludique et à produire de la comédie sur le sujet. Je suis donc passé par figure du zombie que j’affectionne particulièrement, qui recèle beaucoup de clichés, via notamment le cinéma, et qui, à ses origines dans le folklore vaudou recoupe la figure de l’esclave.

Une comédie post-apocalyptique

7 comédiens interprètent une quarantaine de personnages. Je ne veux pas courir derrière le cinéma, avec ses masques en latex et sa chair sanguinolente. Je préfère une logique d’artisanat, un théâtre où l’on joue avec les conventions tout en construisant quelque chose de vraisemblable. Mes zombies ne sont donc pas des anthropophages geignants. Les Méritants est une comédie post-apocalyptique, dans un monde où l’on fait pousser ses tomates et où l’on produit sa propre électricité. Dans ce monde effondré, les survivants ne sont des humains que pour 1 % et ils mettent au travail le reste de la population, constituée de zombies. Parmi eux, Clairvius, un zombie méritant qui gravit tous les échelons, self made man qui justifie les discours de méritocratie du type « on n’est pas égaux, certes, mais on peut y arriver si l’on produit les efforts nécessaires », alors que se perpétuent les rapports de domination sociale. »

Propos recueillis par Eric Demey