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Théâtre - Entretien

Le Tartuffe

Le Tartuffe - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de la Porte Saint-Martin
Le metteur en scène Peter Stein. Crédit : T. Depagne

Entretien / Peter Stein
Théâtre de la Porte Saint-Martin / de Molière / mes Peter Stein

Publié le 23 août 2018 - N° 268

C’est l’une des grandes figures du théâtre européen de ces cinquante dernières années. Le metteur en scène d’origine allemande Peter Stein s’empare pour la première fois d’une pièce de Molière. Il crée Le Tartuffe avec notamment Pierre Arditi, Jacques Weber, Isabelle Gelinas et Catherine Ferran.

Pour cette nouvelle création, vous poursuivez votre chemin de complicité avec le comédien Jacques Weber, que vous avez mis en scène dans Le Prix Martin en 2013, à l’Odéon, et dans La Dernière Bande en 2016, au Théâtre de l’Œuvre. Est-ce que l’idée de créer Le Tartuffe est née d’une discussion avec lui ?   

Peter Stein : C’est tout à fait ça. Après La Dernière Bande, Jacques et moi nous sommes dit que nous voulions continuer notre travail en commun. Nous avons donc réfléchi à une pièce et un rôle susceptibles de nous réunir de nouveau. Nous nous sommes alors mis d’accord sur le fait que Le Tartuffe, dans lequel il pouvait interpréter le rôle d’Orgon, était un projet que nous pouvions réaliser ensemble…

Avec cette pièce, vous abordez pour la première fois, à l’âge de 80 ans, une œuvre de Molière. Pourquoi vous êtes-vous tenu à l’écart, durant toutes ces années, de son théâtre ? 

PS. : Parce que j’ai essentiellement travaillé en langue allemande et qu’il est presque impossible de traduire les pièces de Molière, spécialement les pièces en alexandrins. C’est donc effectivement la première fois que je me plonge dans ce théâtre et j’avoue que je suis entré dedans de façon un peu timide. Je n’ai pas abordé Le Tartuffe avec de grands plans de mise en scène, des idées toutes faites sur ce que j’avais envie de faire, de voir, d’entendre… Mon point de départ a été mon désir de connaître cette pièce de l’intérieur, d’en faire l’expérience avec les acteurs. Et au fil des répétitions, ensemble, nous avons découvert des choses. Des choses, il me semble, intéressantes.

Quelles choses ?  

PS. : D’abord, que cette pièce est entièrement soumise à la force des émotions. Il s’agit d’une comédie qui côtoie de très près la tragédie, car finalement Le Tartuffe est l’histoire d’un père qui a totalement perdu la raison, qui est sur le point de détruire sa famille à cause de sa fascination pour un gourou. Il veut mettre son fils à la porte, veut contraindre sa fille à épouser un homme qu’elle n’aime pas… Cette problématique résonne d’ailleurs très fort dans notre époque, où de nombreuses personnes croient aux promesses de ce genre d’individus, aux fausses idéologies, comme pour ne citer qu’un exemple le fascisme, qui est de nouveau très en vogue en Europe… Et puis, nous avons également réalisé que la question de la sexualité, de l’érotisme était très importante dans cette pièce, beaucoup plus importante que nous pouvions le penser de prime abord. Le texte est rempli de doubles sens, de questionnements, d’incertitudes…

« Cette pièce est entièrement soumise à la force des émotions. »

Comment avez-vous abordé les alexandrins avec vos interprètes ?   

PS. : Nous avons travaillé pour faire en sorte que le sens des vers s’impose, avant même leur rythmique, avant même la musique qu’ils composent. De toute façon, quoi qu’il en soit, on entend cette musique. Mais j’ai vraiment demandé aux comédiens de veiller, pour chaque réplique, à ce que le texte ne se résume pas à cette dimension-là, de veiller à ce qu’il nous parle avant tout des situations et des personnages.

Finalement, qui est pour vous le personnage de Tartuffe, interprété ici par Pierre Arditi ?

PS. : Je crois qu’en premier lieu Tartuffe est un fantastique acteur. Il est capable d’incarner toutes les facettes d’un homme, ce qui lui permet d’avoir du pouvoir sur les autres. Il s’agit donc finalement d’un personnage très humain, qui peut se révéler proche de chacun d’entre nous. Car nous mentons tous plus ou moins, nous avons tous été amenés, un jour, à travestir le réel pour obtenir ce que nous voulions. Et puis quand Elmire, l’épouse d’Orgon, fait des avances à Tartuffe, ce dernier devient alors une victime. Il y a beaucoup d’aspects différents chez ce personnage, qui n’a rien de la figure monolithique à laquelle on peut parfois penser.

Comment investissez-vous, dans votre mise en scène, les dimensions comique et tragique qui s’entrecroisent dans cette pièce ?

PS. : J’ai centré ma mise en scène – qui ne s’inscrit ni totalement dans une époque passée, ni totalement dans notre présent, mais déploie un mélange de styles et de temps – sur le développement psychologique des personnages. Cela dans une manière, je crois pouvoir dire, quasiment tchekhovienne. Les aspects tragiques succèdent donc aux aspects comiques de façon très fluide et très naturelle, selon les moments de la pièce et les états d’âmes qu’expriment les êtres qui l’habitent.

Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat

A propos de l'événement

Le Tartuffe
du vendredi 14 septembre 2018 au mardi 30 octobre 2018
Théâtre de la Porte Saint-Martin
18 boulevard Saint-Martin, 75010 Paris.

A partir du 14 septembre 2018. Du mardi au vendredi à 20h, le samedi à 20h30, le dimanche à 16h. Tél. : 01 42 08 00 32. www.portestmartin.com

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