La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Le Partage de Midi

Une adaptation du Journal d’un fou de Nicolas Gogol, où le personnage glisse vers l’irréel et la folie.

Publié le 10 mai 2007

Le battement à l’unisson de deux c’urs profanes pour une passion transposée
poétiquement via Claudel. L’éloge d’un amour sublime et sublimé sur la scène de
Beaunesne.

1905 est l’année de la première version du Partage de Midi de Claudel,
après Tête d’or, La Ville, L’Échange et avant Le Soulier
de Satin
. Un verbe musical d’une intensité extrême et d’inspiration
personnelle dont la dimension mystique fraie librement avec un fantastique soft.
Un élan qui n?échappe à personne puisqu’il s’agit de parler de l’impossibilité
de l’amour à vivre ici-bas, à travers les épreuves humaines de la rencontre et
de la reconnaissance. La transposition scénique par Yves Beaunesne de ce drame
poignant à quatre, l’épouse, le mari, l’amant et le nouvel amant, trouve son
plein déploiement vocal, charnel et esthétique sur le plateau de la salle
Richelieu. Au milieu de l’Océan indien, erre sur le pont d’un bateau et au
milieu des cordages maritimes, Mesa (Éric Ruf, amoureux ténébreux), « conseiller
des vice-rois du Sud
 », le rappel d’un certain consul de Fou-Tcheou du nom
de Claudel. Le diplomate qui vient de quitter la France où il espérait servir
Dieu, voué ainsi à la seule littérature, se dirige vers la Chine où sévit la
guerre des Boxers.

L’expérience inouïe de l’amour profane, la seule qui puisse rivaliser avec la
passion christique. 

Sur le même embarquement, ce Tristan de début de siècle reconnaît la figure
mythique de l’amour à travers l’épanouissement d’Ysé (la beauté libre de Marina
Hands) qui lui dit, de façon prémonitoire : « Je suis celle que vous auriez
aimée
 ». Lucide, la femme sait que s’accomplit irréversiblement une rupture,
un geste de mort dans cette préférence interdite accordée à l’être aimé qui
répond : « J’ai frémi en te reconnaissant, et toute mon âme a cédé ! »
Chez l’élu, les fondements de l’être tremblent à la vue de l’expérience inouïe
de l’amour profane, la seule qui puisse rivaliser avec la passion christique.
Ysé est la femme terrestre grandiose et dangereuse, à la fois exaltée et
terre-à-terre, accompagnée de son mari De Ciz (Christian Gonon policé), un homme
fade qui fait des affaires douteuses. À côté de ce triangle faussement
vaudevillesque, trône aussi Amalric (Hervé Pierre, voix et silhouette de
rocaille), un aventurier à forte trempe, conquérant tranquille de la même Ysé
qui aura trahi époux et premier amant. Ce compagnon cynique ne voit en tout
amour qu’une comédie, les questions n?étant jamais clairement posées entre
l’homme et la femme. Toujours est-il que ce sentiment absolu quand il existe
demeure, et même abandonné et trahi, il revient au moment final dans la
transfiguration avec l’ordre de la mort. Ysé reconnaît qu’elle ne porte pas le
bonheur là où elle va, mais de ce mal obligé se dégagent toujours des traces de
bien. Au-delà du bien et du mal, Beaunesne de son côté, a mêlé la joie et la
douleur, l’amour et la haine.

Véronique Hotte

Partage de midi

De Paul Claudel, version de 1905, mise en scène d’Yves Beaunesne, à 20h30 en
alternance jusqu’au 15 juillet 2007 à la Comédie-Française 2,rue de Richelieu
75001 Paris Tél : 0825 10 16 80 (0,15 euro/mn)
www.comedie-francaise.fr

A propos de l'événement


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