Nul n’est spectateur en soi
Docteur en philosophie et enseignant, [...]
Avignon / 2013 - Entretien Avner Camus Perez
Professeur de philosophie et homme de théâtre, Avner Camus Perez marie ses deux passions dans deux spectacles : un duo philosophique avec Olivier Morin et une pièce sur Hannah Arendt.
Comment définir ce « duo philo » que vous interprétez avec Olivier Morin ?
Avner Camus Perez : C’est un spectacle philosophique, mais c’est d’abord un spectacle. Nous avons théâtralisé des moments de pensée : l’un des deux moments porte sur l’identité, le moi, l’autre sur la foi et la croyance. Ce sont des spectacles polymorphes, qui mêlent poésie, humour, et interaction avec le public. Ce ne sont pas des conférences. Je suis enseignant de philosophie et j’avais envie de sortir de l’enseignement pur. Olivier Morin est un écrivain et un poète qui travaille beaucoup la langue. Nous avons pensé mettre nos deux sensibilités au service d’un spectacle. Nous avons voulu quelque chose qui ne soit pas didactique, même si nous évoquons les textes canoniques sur ces thèmes. Nous sommes dans un vrai dialogue, dans une posture socratique.
Pourquoi choisir de parler d’Arendt à travers son exil à Lisbonne ?
A. C. P. : La situation est réelle. Hannah Arendt a vraiment passé trois mois à Lisbonne, au début de l’année 41. Mais son dialogue avec ce journaliste portugais est fictif. J’ai monté le projet d’écriture de cette pièce alors que j’étais enseignant à Lisbonne. J’enseignais la pensée d’Arendt et j’ai cherché des renseignements sur son séjour dans cette ville. Trouvant très peu d’éléments, je me suis dit que la meilleure façon de raconter cet épisode de sa vie était d’élaborer une fiction. Cela m’a permis de la montrer dans une position visionnaire et prophétique de ce qui va alors se passer, notamment concernant les camps de la mort, et de montrer son courage, sa liberté, et le souci qu’elle avait des autres réfugiés. Tous les concepts de son œuvre sont là, mais introduits de la manière la moins didactique possible : il est très difficile d’installer la pensée sur scène. Il s’agit de la troisième version de cette pièce, d’ailleurs publiée à l’Harmattan pour Avignon. La première version comptait sept personnages, mais cette nouvelle création, épurée, se concentre sur le face-à-face entre Arendt et le journaliste : cela permet de mieux rendre compte de son itinéraire et de sa pensée. C’est aussi un hommage à Lisbonne, où les Portugais ont accueilli de nombreux réfugiés avant leur départ pour l’Amérique.
Propos recueillis par Catherine Robert
Docteur en philosophie et enseignant, [...]