Le metteur en scène polonais Łukasz Twarkowski mêle théâtre, arts visuels et vidéos dans « Rohtko »

Rohtko et non Rothko. La différence paraît minime. Elle est pourtant de taille. Rothko, c’est le patronyme — dans sa graphie exacte — du peintre américain, né en 1903 à Dvinsk en Russie (aujourd’hui Daugavpils, en Lettonie), mort en 1970 à New York, dont les œuvres atteignent des prix records en salles des ventes. Quant à Rohtko, c’est un Rothko qui n’en est pas un, une copie qui se fait passer pour un original. C’est ce qui est arrivé à un homme d’affaires italien, Domenico De Sole, en 2004, à New York. Pei-Shen Qian, un faussaire chinois émigré aux États-Unis, spécialisé dans l’expressionnisme abstrait, a peint une fausse toile du peintre qui a été vendue au collectionneur pour plus de huit millions de dollars. Ce n’est que sept ans plus tard que l’imposture est découverte… Partant de ce fait divers réel, Łukasz Twarkowski présente à l’Odéon un spectacle kaléidoscopique qui interroge, à l’heure des NFT (Non Fungible Token ou Jeton non fongible), la valeur objective de l’art.

Des années 1960 à aujourd’hui

Rohtko (représentation en letton, en anglais et en chinois, surtitrée en français) nous transporte au Mr Chow, un restaurant new-yorkais au sein duquel se déroulent diverses histoires, à différentes époques. On y côtoie Mark Rothko, du début des années 1960 jusqu’à la fin de sa vie. On y fait également la connaissance d’artistes digitaux d’aujourd’hui, personnages fictifs qui évoluent dans le milieu du crypto-art. « Qu’est-ce qui détermine la valeur d’une œuvre ? Les artistes ? Les galeristes ? Les influenceurs et influenceuses ? L’expertise ? Le marché de l’art ? Pourquoi l’original devrait-il nécessairement l’emporter sur la copie, si celle-ci suscite de réelles émotions chez le spectateur ? », se demande Łukasz Twarkowski. Le metteur en scène polonais conçoit un spectacle total, à la croisée du théâtre et de la technologie, pour rebattre « les cartes du monde de l’art et, au-delà, de ce à quoi nous sommes prêts à accorder de la valeur ».

Manuel Piolat Soleymat