4ème édition du Festival Dia(s)porama, une occasion de découvrir la foisonnante créativité du cinéma à thématiques juives
Cette 4e édition du Festival Dia(s)porama, [...]
Sur la fragile frontière qui sépare la méfiance légitime du complotisme, sur l’époque post-vérité que l’on traverse, Rapt mis en scène par Chloé Dabert offre une histoire passionnante.
Au début, ils sont juste un peu complotistes sur les bords. Évoquent vaguement les chem trails, ces traînées blanches que laissent derrière eux les avions dans le ciel, qui donnent lieu à des fantasmes d’empoisonnement généralisé. Ou bien ont des doutes sur les récits du 11 septembre, dont ils pointent des supposées zones d’ombre. Puis ils se méfient de la surveillance qu’occasionnent l’ensemble des objets connectés de la vie quotidienne. Céleste et Noah sont jeunes et amoureux. Ils se sont rencontrés via un journal comme ils auraient pu le faire via une application. Il est ancien soldat, elle est infirmière. Vivant de petits boulots d’électricien, il commence à produire des films sur Youtube, qui alertent sur l’état du monde. Accumule les followers. Puis la vie du couple se radicalise, comme on dirait aujourd’hui. L’inaction des gouvernements face à la crise écologique, l’accroissement des inégalités sociales, la mise à bas des services publics – Céleste travaille pour l’hôpital – les transforment en ennemis potentiels de l’État. Ils appellent à la réaction, s’enferment. Reçoivent ou imaginent recevoir de drôles de coups de fil menaçants. Organisent même semble-t-il une manifestation à Trafalgar Square. Comment expliquer qu’on les retrouve morts chez eux baignant dans leur sang sur leur canapé, leur chat (encore vivant) à leurs pieds ?
Jusqu’à quand leur assassinat restera-t-il une fiction ?
Ce ne sont pas les dispositifs de narration – amusants mais un peu gadgets – de ce Rapt les plus intéressants. Mais bien comment Lucy Kirkwood montre toute la complexité de ce qu’on appelle trop vite le complotisme. L’auteure britannique, que Chloé Dabert monte pour la deuxième fois de suite après Firmament, déploie une langue moderne, au rythme précis et dynamique. Son Rapt part parfois dans tous les sens comme nos vies éparpillées. Mais il montre combien la frontière est ténue entre l’indignation légitime, l’indispensable méfiance face aux pouvoirs technologique, politique et financier et la bascule dans des théories ineptes. Comme ce fut le cas, le confinement en accélère le processus dans cette pièce. Interprétés par Andréa El Azan et Arthur Verret, Noah et Céleste, jeune couple qui se débat pour ne pas perdre pied dans le flux d’un monde chaotique, sont rendus très touchants. La scénographie ingénieuse de Pierre Nouvel permet de superposer les images vidéo à la vie des deux jeunes gens dans leur appartement. Le réalisme fait le reste – une direction d’acteurs millimétrée – et c’est toute une époque et sa jeune génération qui montent sur scène. Mais à l’heure du militantisme requalifié en écoterrorisme, des fake news et de la méfiance qui progresse partout, dans l’esprit des gens, pour combien de temps encore cet assassinat restera-t-il une fiction ?
Eric Demey
à 20h30. Relâche le dimanche. Tel : 01 53 35 50 00. Spectacle vu à la Comédie de Reims. Durée : 1h45
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