La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Le Fils

Le Fils - Critique sortie Théâtre
Crédit : Dunnara Meas Légende : « Michel Aumont et Catherine Hiegel, les parents du Fils. »

Publié le 10 mai 2012 - N° 198

Catherine Hiegel et Michel Aumont, la mère et le père dans le Fils de Fosse par Jacques Lassalle, sont des étoiles lumineuses dans la solitude existentielle.

Entre la jeunesse et la maturité sévit souvent l’incommunicabilité des générations, comme si le grand écart temporel était à jamais irréversible. Jon Fosse est un auteur tourné vers l’avenir dont l’œuvre se penche sur le monde adolescent, celui de jeunes gens devenus impénétrables aux yeux de leurs aînés. Et les parents de leur côté, sont appréhendés par leur progéniture comme des ogres un peu obtus, des fantômes has been et décalés dans une époque radicalement soufflée par l’agressivité des temps présents, une hargne et une effervescence que les adultes ne soupçonnent pas, ou pire, n’ont jamais entrevues par négligence ou paresse. L’enjeu pour l’être, et de façon plus urgente pour les jeunes, enfants de parents encore enfants même s’ils sont matures, c’est d’atteindre la vraie vie d’emblée, celle où l’on se sent exister. « Ou bien, merci, je ne prends rien », dit la jeunesse dans le refus de partager son sentiment d’abandon, soupçonnant les anciens d’être passé à côté de l’essentiel. Un père et une mère dans Le Fils de Jon Fosse vivent dans un petit village niché au fond d’un fjord de la côte ouest de la Norvège. Ils attendent le retour improbable de leur fils dont ils n’ont plus de nouvelles depuis six mois, si ce n’est que leur seul voisin, alcoolique, avance qu’il est allé en prison,

Tendresse frustrée

Ni bon ni mauvais, le jeune homme revient chez les siens sans que le fil de la parole ne se dévide jamais, roulé serré dans le silence et le non-dit. Les parents le harcèlent de leur tendresse frustrée pour qu’il reste un peu auprès d’eux. L’écriture de Fosse agrippe cette vie insaisissable qui échappe : économe, répétitive, à la fois rudimentaire et savante, travaillée à l’extrême pour retrouver son « naturel ». Le père commente : « Et on dirait que c’est de plus en plus sombre d’année en année Il n’y a plus de lumière nulle part Il y a tant de maisons vides maintenant… » La mère répond : « Personne ne reste Il n’y a rien à faire ici pour les jeunes Ceux qui le peuvent ils s’en vont. » Pour décor, une fresque de falaises abruptes verse ses ombres immenses sur un lac bordé de rares habitations. C’est un paysage faussement idyllique de Jean-Marc Stehlé qui incarne le voisin de mauvais augure. Stanislas Roquette fait le fils, veule, aussi déterminé que fuyant. Michel Aumont  et Catherine Hiegel sont simplement parfaits en parents dépassés. Revenus de tout et lucides encore quand ils  simulent l’hébétement, ils sont admirables d’humanité et de sensibilité dans l’appréhension de ce fils si difficile qui s’enfuit toujours. Belle tension.

Véronique Hotte


Le Fils, de Jon Fosse, traduction de Terje Sinding ; mise en scène de Jacques Lassalle. Du 17 avril au 15 juillet 2012. À 21h du mardi au samedi, à 16h le dimanche. Théâtre de La Madeleine 19, rue de Surène 75008 Paris. Tél : 01 42 65 07 09 www.theatremadeleine.com Texte publié à L’Arche Éditeur.

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