La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

« Le Cid » beau et intelligible de Frédérique Lazarini

« Le Cid » beau et intelligible de Frédérique Lazarini - Critique sortie Théâtre Paris Avignon Off. Théâtre du Chêne Noir
© Alain Enard Rodrigue et Chimène (Lara Tavella et Arthur Guezennec) dans Le Cid mis en scène par Frédérique Lazarini

Reprise / Artistic Théâtre / texte de Corneille / adaptation et mise en scène Frédérique Lazarini

Publié le 5 décembre 2024 - N° 327

Frédérique Lazarini et les siens présentent un Cid condensé, beau et intelligible, où s’affrontent les élans de l’amour et les exigences de l’honneur, guidé par le pouvoir des pères.

L’épée est plus forte que la plume, plus impérieuse que l’amour : voilà la ligne de force de l’élégante mise en scène de Frédérique Lazarini, exprimant le cœur d’un éternel tragique qui malgré un dénouement relativement heureux emporte les personnages dans un cycle de vengeance, de vendetta emplie d’injonctions liées à l’honneur et aux liens du sang. Rappelons que dans les années 1620 le Roi Louis XIII et Richelieu se sont employés à interdire les duels si fréquents qu’ils décimaient les rangs des jeunes aristocrates ! Force est de constater de manière déprimante qu’à toute époque la fatalité guerrière s’empare des sociétés humaines, qui ont tant besoin de sages gouvernants… Joué souvent l’épée à la main, ce Cid resserré (sans l’infante et sa suite ni les gentilhommes castillans) condense l’affrontement entre les élans de la passion amoureuse et le sens du devoir de manière limpide et implacable. Depuis les roses blanches du mariage jusqu’au voile noir du deuil pèsent et s’imposent les héritages, le pouvoir et la fureur vengeresse des pères. Celui de Chimène, Don Gomes, fulminant de ne pas avoir été choisi comme précepteur du jeune prince, gifle celui de Rodrigue, le vieux Don Diègue, qui a eu la faveur du Roi pour instruire l’enfant – ici une marionnette astucieusement manipulée par son nouvel éducateur. Pour laver l’affront, ce dernier intime à son fils de le venger. « Trahir ma flamme ou vivre en infâme : des deux côtés mon mal est infini » se désole Rodrigue.

Une humanité déchirée

Avec la maîtrise et la clarté qu’on lui connaît, Cédric Colas interprète à la fois le Roi, dans une hauteur de vue qui fait mouche, et Don Gomes, avec cette assurance guerrière des hommes bien nés voués à conquérir. Philippe Lebas incarne avec finesse le vieux Don Diègue, égoïstement et tout entier dévolu à réparer l’outrage qu’il a subi. Guillaume Veyre interprète El Vire, ici figure masculine apaisante et mesurée. Quentin Gratias est parfait en malheureux Don Sanche. Arthur Guézennec fait vivre un Rodrigue touchant, intense et nuancé. Unique figure féminine, Lara Tavella, frêle et juvénile Chimène déchirée entre honneur et amour, à la fois fragile et déterminée, dessine les contours contrastés de son personnage si humain. L’écrin scénographique de François Cabanat, dont un beau fond de scène d’inspiration maritime, ainsi que la musique et les sons de François Peyrony accompagnent le cheminement de l’intrigue avec subtilité. C’est un plaisir de retrouver dans cette mise en scène ciselée ces vers familiers d’une immortelle beauté, et si profondément vivants.

 

Agnès Santi

A propos de l'événement

Le Cid
du samedi 30 novembre 2024 au lundi 9 décembre 2024
Avignon Off. Théâtre du Chêne Noir
8bis, rue Sainte-Catherine, 84000 Avignon

le 7 décembre à 20h30, le 8 à 15h, le 9 à 14h. Tél : 01 43 56 38 32. Durée : 1h35.

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