« Pour Que l’année soit bonne et fertile », Une création audacieuse et inégale du collectif Mind the Gap
Théâtre 13 / par le Collectif Mind the Gap
Publié le 29 novembre 2024 - N° 327Spectacle écolo collectif, Pour que l’année soit bonne et la terre fertile commence comme une blague et se termine en poésie. Une création audacieuse et inégale du collectif Mind the Gap.
Deux issues de secours dans la catastrophe en cours : retrouver le sens du collectif et réinventer notre rapport au vivant. Avec Pour que l’année soit bonne et la terre fertile, Mind the gap croise les solutions dans un spectacle poilant, tout d’abord, poilu ensuite, et au final, un poil décevant. En tenue quotidienne, sur un plateau vide, les 5 créateurs – Solenn Louër, Julia De Reyke, Anthony Lozano, Coline Pilet et Thomas Cabel – commencent par nous annoncer que le spectacle est annulé. Léger flottement dans la salle pendant qu’ils se lancent dans le récit très drôle des excuses qu’ils et elles ont imaginées pour s’en expliquer. On comprend rapidement qu’on assiste à un spectacle « à l’envers ». De son annulation à sa conception initiale, c’est l’histoire de son échec qui fait spectacle. Une entame stimulante qui prend le spectateur et ses attentes à rebrousse-poil, comme aime à le faire ce collectif fan de titres à rallonge : faux bord plateau qui foire pour Tonnerre dans un ciel sans nuage, puis déconstruction des codes du film d’horreur dans J’aurais mieux fait d’utiliser une hache qui avait révélé ce collectif lors du Festival Impatience 2022.
D’ancestraux rapports à notre environnement
La suite toutefois est moins passionnante. On y apprend que le projet initial – que le spectacle finira évidemment par rattraper – est né d’une fascination collective pour un costume supposé créé par Karine Marquès Ferreira, costumière plasticienne, à l’occasion de la Fashion Week. Une sorte de grand yéti tout poilu, avec des cornes, costume destiné à être revêtu. Petit à petit, les interprètes disparaissent du plateau et se glissent dans ces nouveaux habits, opèrent leur mue en êtres hybrides – mi-hommes, mi-animaux – tandis que les autres poursuivent le récit de l’aventure artistique. Créatures aux longs poils que la costumière a déclinées en plusieurs identités, sans yeux, mais pas sans âme, les bêtes finissent par coloniser le plateau pour se lancer dans une danse tribale, visiblement tripante, d’un collectif réinventé. Entre temps, le propos s’est un peu essoufflé et la fin du spectacle en mode visuel et sonore, la mue esthétique comme la chorégraphie de ces chrysalides, manquent d’originalité et de puissance. On a l’impression d’avoir déjà vu sur les plateaux ces bêtes étranges (chez les Chiens de Navarre par exemple), dans d’autres utilisations toutefois. Faisant fi de l’art de faire rire qu’il maîtrise, le collectif s’aventure en effet sur d’autres terrains plus poétiques, plus implicites, relevant du sensible autant que du logos. Il est question souterrainement dans leur proposition de ce qui nous relie, entre nous et au vivant, de la place que chacun occupe dans le monde, de l’animal social que nous sommes et d’ancestraux rapports à notre environnement, autrement plus intégrés, quand on faisait carnaval aux équinoxes ou aux solstices. La voie à suivre pour pouvoir croire encore à de bonnes et fertiles prochaines années.
Eric Demey
A propos de l'événement
Pour que l’année soit bonne et la terre fertiledu mardi 26 novembre 2024 au vendredi 6 décembre 2024
Théâtre 13
30 rue du Chevaleret 75013 Paris
à 20h, samedi à 18h, relâche le dimanche. Tel : 01 45 88 62 22. Durée : 1h15