La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Laëtitia Guédon met en scène « Même si le monde meurt », un geste cérémoniel d’une grande beauté

Laëtitia Guédon met en scène « Même si le monde meurt », un geste cérémoniel d’une grande beauté - Critique sortie Théâtre Paris La Tempête - Cartoucherie

Théâtre de La Tempête / Texte Laurent Gaudé / conception et mise en scène Laëtitia Guédon

Publié le 10 mars 2025 - N° 330

Avec la troupe éphémère de l’AtelierCité à Toulouse, Laëtitia Guédon met en scène une fable moderne commandée à Laurent Gaudé. Une dystopie onirique qui donne corps à un geste cérémoniel d’une grande beauté, où s’expriment la vulnérabilité humaine et la possibilité de l’espoir.  

Il y a quelque chose de profondément émouvant dans ce périple théâtral au cœur de l’impensable, interprété par des comédiens et comédiennes à l’aube de leur carrière, dans un monde qui ne promet rien de bon. Émouvant par la beauté du geste artistique, mais aussi par la manière dont ils font communauté malgré leurs divergences, leur solitude. Au-delà d’archétypes, ils se distinguent par leur manière singulière d’appréhender la vie, entre liberté et servitude, entre pulsions égotiques et attention à l’autre, entre peur et désir. Ils sont sept, interprétés par Matthieu Carle, Marine Déchelette, Mathieu Fernandez, Élise Friha, Marine Guez, Alice Jalleau, Thomas Ribière et Julien Salignon. Chacun tour à tour raconte, dans une forme de théâtre-récit où se conjuguent dans la scénographie d’Amélie Vignals les lumières de Philippe Ferreira, le son de Joan Cambon, la vidéo de Benoît Lahoz. Laetitia Guédon a été invitée par le ThéâtredelaCité, Centre Dramatique National Toulouse Occitanie, à mettre en scène le spectacle destiné aux jeunes pousses du dispositif d’insertion professionnel l’AtelierCité, leur permettant de constituer une troupe éphémère. Elle a pour cette création commandé un texte à Laurent Gaudé, une dystopie qui annonce de manière implacable la fin du monde, le 17 août à 17h58, sans que personne n’en connaisse la cause. Dans un écrin sobre et onirique, avec à cour un espace de projection circulaire, hypnotique, où défile la course d’un cosmos indéchiffrable, la création scénique façonne un geste cérémoniel, hiératique, nourri de gestes mesurés, de signes nets, de confidences précises et franches, puisque la fin approche.

Ça frappe de joie, de soif, la vie

La loi n’a plus cours, les freins habituels sont lâchés, ce qui laisse place à tous les débordements. La parole descriptive, poétique, où s’immisce le fantastique, demeure pourtant calme, évitant le piège de la grandiloquence ou de l’hystérie, invitant à interroger ce que signifie profondément vivre et habiter le monde, au présent. L’écriture décrit les conséquences de l’annonce au sein d’une société éperdue, au cœur de chaque individu, de chaque histoire. Parmi ces protagonistes plongés dans ce compte à rebours fatal, il y a celle qui se lève à 7h12 chaque matin, il y a l’homme quitté qui soudain peut tuer en toute impunité, il y a celui qui veille à enterrer les morts avec dignité, il y a le médecin qui s’étonne du silence, il y a la femme enceinte qui décide d’accélérer le temps pour faire naître son fils. Ce sera le pressé de vivre, avide de découvertes, nécessairement à toute vitesse. Le couperet tombera-t-il comme prévu ? Attentive à la transmission, adepte d’un langage théâtral où s’entrelacent les disciplines, Laëtitia Guédon poursuit son chemin sensible avec cette création délicate, élégante et belle.

Agnès Santi

A propos de l'événement

Même si le monde meurt
du jeudi 6 mars 2025 au dimanche 6 avril 2025
La Tempête - Cartoucherie
route du Champ de Manœuvre, 75012 Paris

du mardi au samedi à 20h, dimanche à 16h. Tél : 01 43 28 36 36. Durée : 1h20

x

Suivez-nous pour ne rien manquer sur le Théâtre

Inscrivez-vous à la newsletter

x
La newsletter de la  Terrasse

Abonnez-vous à la newsletter

Recevez notre sélection d'articles sur le Théâtre