« En tongs au pied de l’Himalaya » de Marie-Odile Weiss, l’expérience d’une mère d’enfant autiste
Dans son seule en scène En tongs au pied de [...]
Après Liebestod présenté en 2021 au Festival d’Avignon, Angélica Liddell crée dans la Cour d’honneur DÄMON, Les funérailles de Bergman, entourée des comédiennes et comédiens du Dramaten – The Royal Dramatic Theatre de Suède – et des complices de sa compagnie. Une œuvre puissante et éprouvante qui fait corps avec l’espace de la Cour.
Un théâtre à la première personne, mais un théâtre bien plus grand que soi. Un geste artistique stupéfiant qui orchestre des épousailles grandioses avec un fantôme dans une sidérante complicité, dans une communion intime où s’expriment au sens premier du terme les démons et souffrances qui hantent l’esprit d’Ingmar Bergman et celui d’Angélica Liddell, qui hantent l’esprit humain. La mort, la vanité, la peur, la vieillesse, le sexe… Lui éduqué dans la rigidité protestante, elle dans le culte catholique fondé sur la souffrance du Christ, s’élèvent contre l’hypocrisie sans limite de la société humaine, contre ces « clowns anthropophages » capables de devenir collectivement des fonctionnaires de la mort. Entre blasphème obscène et irrépressible besoin de Dieu, dans cette course éperdue vers l’abîme que mène l’être humain, Angélica Liddell montre crûment notre insignifiance. Bergman, disparu le 30 juillet 2007 à l’âge de 89 ans, avait laissé des instructions précises quant à ses funérailles, exprimant sa volonté d’être enterré dans un cercueil en pin identique à celui de Jean-Paul II. L’artiste espagnole considère ce scénario minutieux comme une œuvre ultime du maître, profondément symbolique. Qu’est-ce qui fait la valeur de l’art ? Pourquoi malgré la peur vouloir prendre le risque de partager et exposer l’intérieur de l’âme, la nudité impudique du corps ? Au début de la pièce, Angélica Liddell dos au public cite et nomme des critiques – dont plusieurs sont dans la salle –, des critiques reconnus pour la qualité de leur travail qui ont émis des avis négatifs sur telle ou telle de ses créations. Elle injurie aussi, ce qui a logiquement heurté. Un moment d’ironie provocante, dans le sillage du rapport pour le moins conflictuel de Bergman avec la critique, qui en filigrane laisse affleurer le sujet complexe des circuits de validation des œuvres. L’essentiel est ailleurs. Débarrassée des oripeaux du démon de la vanité, la relation exclusive qui se noue entre l’artiste et la personne qui regarde appelle et justifie la création.
Réparer l’irréparable
En leitmotiv, comme dans Le Songe de Strindberg, la pitié et le dégoût coexistent. Angélica Liddell ne crée pas seulement un théâtre de la rage et de la dénonciation qu’on pourrait inscrire dans la veine de Thomas Bernhard, elle crée aussi et surtout un théâtre qui s’efforce de réparer l’irréparable, qui reconnaît les « sentiments écartelés », les humiliations, les haines, la culpabilité ancrée dans un rapport à la famille catastrophique. Un théâtre éprouvant et une logorrhée qui affrontent la prédominance des pulsions, notre finitude, notre implacable décrépitude physique et mentale. On pense à cette scène de Sur le concept du visage du fils de Dieu de Romeo Castellucci où un fils lave longuement son vieux père, à Inferno du même où l’espace de la Cour fut remarquablement investi. La beauté de DÄMON est aussi liée à une saisissante utilisation du lieu. Il est rare qu’advienne une telle adéquation entre la Cour et son histoire et la matière même de la pièce. Dans ce Palais des papes qui fut lieu de torture et de mort, nous sommes assis sur « des pierres de douleur », rappelle l’artiste. Rouge comme la couleur du deuil papal, du sang et du manoir de Cris et Chuchotements, porte ouverte vers l’enfer de la condition humaine, le plateau accueille une cérémonie singulière, sans aucun sentimentalisme, célébrant la valeur existentielle de l’art, y compris dans sa dimension provocatrice. Angélica se tient au centre. Le temps est assassin, l’homme est incorrigible, l’enfant n’est-il pas pourtant une invitation à chérir l’avenir ? Malgré l’horreur, la répulsion et l’effroi, sont dissimulés un amour plus grand que l’amour, une joie plus grande que la joie. Cette bataille de l’être qu’Angélica livre pour nous est un geste artistique puissant quoiqu’éprouvant. En cette période inquiétante et incertaine, c’est un bon début de festival…
Agnès Santi
à 22h, relâche le 30. Tél : 04 90 14 14 14. Durée : 2h. Déconseillé aux moins de 16 ans.
Dans son seule en scène En tongs au pied de [...]
Le metteur en scène Sylvain Maurice et le [...]
AmalgameS ou le “cirque” sécuritaire est un [...]